Déclaration suite à la séance du CHSCT Aisne Oise Somme du mercredi 23 octobre 2019
Le 23 octobre 2019, les élus du CHSCT Aisne-Oise-Somme de Pôle Emploi Hauts-de-France ont eu la restitution de l’expertise réalisée par le cabinet SECAFI dans le cadre de l’étude de risque grave pour la santé et la sécurité des conditions de travail.
Secafi s’est appuyé sur des visites réalisées dans 6 agences, choisies par les élus et la direction. Le rapport de l’expert nous décrit des situations contrastées, selon les agences, allant de situations individuelles dégradées à des situations où l’agence dans son entier est la proie d’un mal être au travail.
Après 10 années de transformation continue, de réorganisations et de forte pression sur les objectifs, le bilan sur les conditions de travail des agents est alarmant et désastreux pour toutes les strates en agence.
1/ Les conseillers emploi
Le rapport nous décrit plusieurs évolutions à l’œuvre dans cette population.
Les réorganisations successives depuis 2008 et leurs impacts sur les modes de réalisation du travail sont venues perturber le lien et les représentations des agents vis-à-vis de Pôle Emploi.
Si certains agents ne se plaignent pas de la transformation perpétuelle de Pôle Emploi, source de challenge débridé et abusif, d’autres en revanche sont en insécurité professionnelle avec le glissement progressif d’une culture basée sur l’humain à une culture centrée sur une logique de pilotage par les résultats.
A ce propos, nous citons Vincent De GAULEJAC :
« La crise de pôle emploi illustre des processus que l’on retrouve peu ou prou dans l’ensemble des institutions confrontées à l’acharnement réformiste d’un monde politique obsédé par l’idée que les missions des services publics doivent se caler sur les principes du New Public Management ! » ( Ref : pôle emploi, la face cachée, enquête sur la souffrance des agents, préface , par M.DUGUET, C.FOURNIER, V.PASQUESOONE).
Devant cette course aux résultats, il est imposé aux conseillers à l’emploi d’ajouter de plus en plus de dimensions à leurs activités, rendant ainsi le système paradoxant pour ses agents et paradoxal pour le monde extérieur.
Aux entretiens avec les demandeurs d’emploi, s’ajoutent l’accueil physique, les entretiens d’inscription, les sollicitations sur le portefeuille où il faut en toute urgence sélectionner dans son portefeuille des DE susceptibles de participer à telle ou telle action (liste non exhaustive). Le conseiller placement doit aussi être chef de projet ou référent sur des actions qu’il a la responsabilité d’organiser et de piloter. Il lui arrive même d’être chargé d’un rôle administratif, en substitution des équipes appui gestion, quand elles existent encore. Les différentes priorités liées à ces divers aspects du poste se surajoutent, et font du conseiller un instrument au service des priorités du moment, submergé de demandes souvent contradictoires et qui peuvent changer d’un jour à l’autre, contribuant ainsi à faire disparaitre le sens du métier et effaçant de facto l’identité professionnelle.
La situation est telle que nous avons des conseillers à l’emploi en état de stress chronique et de perte de sens.
Secafi nous alerte également sur l’impact néfaste que peuvent avoir sur les agents et les encadrants, dans certaines agences, les enjeux politiques ou les ambitions personnelles de certains encadrants (être « visible », être la 1ere agence ou la 1ere DT, viser « l’excellence »), tous comportements qui favorisent l’apparition d’un management directif, qui se fait au détriment du sens du métier et du respect de la personne.
Nous exigeons de la direction d’instaurer un climat de confiance et de sérénité au sein de Pôle Emploi comme, entre autres, reconnaître et gérer les situations de désarroi de certains salariés.
De même, nous exigeons qu’une réflexion sur l’organisation du travail soit réellement engagée afin de préserver la santé au travail des salariés :
Sans remettre en question l’accord QVT, une étude associant Direction et IRP en place doit être réalisée pour pouvoir mesurer les impacts induits du télétravail sur les salariés restant en agence et sur l’ambiance au sein du collectif.
2/ Les conseillers indemnisation
Le débordement sur les conseillers GDD des questions indemnisations posées à l’accueil ou par mail.net est un facteur de surcharge de travail et d’interruption pour les conseillers GDD, qui y voient une charge de travail invisible non reconnue et non quantifiée.
Ce débordement est particulièrement mal vécu dans les agences en sous-effectif en conseillers GDD : en effet cette charge invisible s’ajoute voire prend le pas sur le travail de fond, à savoir la gestion des dossiers d’indemnisation, sur lesquels de nombreux retards s’accumulent. Ceci créé de nombreuses manifestations de mal être telles que : tensions dans les équipes, départs, pleurs sur le lieu de travail, impacts sur la santé et la vie personnelle et familiale, voire arrêts maladie de longue durée.
Nous alertons la direction sur la gravité de la situation dans les équipes indemnisation dans lesquelles la question du sous-effectif n’est pas traitée.
Nous exigeons qu’un état des lieux soit réalisé sur le niveau actuel d’adéquation, qualitatif et quantitatif, des ressources en conseillers indemnisation pour traiter la charge de travail (cf conclusions de l’expertise réalisée sur la Trajectoire GDD)
Pour les agences en sous-effectif, nous sommons la direction de réaliser un plan d’action pour revenir à un niveau de charge de travail normal en cessant de « vouer un culte » à l’outil Opéra dont personne ne comprend ni le processus ni les résultats qui en découlent et qui impactent négativement la répartition des effectifs.
3/ Les conseillers entreprise
Les équipes entreprises rencontrées par le cabinet Secafi apparaissent relativement isolées et fonctionnant de façon autonome et peu encadrées. Si cette situation peut être favorable au travail quand le collectif fonctionne bien, elle peut être aussi un facteur de dérive et de création de situations individuelles de mal être ou de surcharges de travail pour des agents qui ne sont pas suffisamment formés ou dont la charge de travail n’est pas pilotée ou réduite à de l’administratif.
Nous insistons pour que le rôle des équipes entreprise soit davantage formalisé, qu’elles soient davantage soutenues en terme de charge de travail et que les interactions avec les conseillers placement soient redéfinies car leurs objectifs n’apparaissent pas convergents, ce qui peut être à l’origine de tensions et incompréhensions d’où l’absence regrettable de synergies entre équipes.
4/ Les managers : REA, ELD
La charge des REA est lourde et pesante : organisation du travail, planification, accompagnement individuel, accompagnement collectif des équipes, déclinaison de la stratégie, suivi et reportings, plans d’actions et démarches participatives, avec des équipes de taille importante et qui relèvent souvent de plusieurs métiers.
Secafi a pu observer des situations de désorganisation dans certaines agences, où les REA se substituent aux agents, les DAPE et DAPE adjoints aux REA, et ou la gestion du court terme et « au plus pressé » se fait au détriment d’un projet d’agence et de la performance à moyen terme.
La réduction à un seuil minimal du nombre d’encadrants ne permet pas aux agences de bénéficier de suffisamment de ressources pour accompagner les transformations et les agents, et épuise la ligne hiérarchique.
Cette situation est doublement préoccupante :
Au rôle intrinsèquement stressant de l’ELD, s’ajoutent des interventions et injonctions managériales et politiques de la DT, qui, selon le style managérial propre à chacun, peuvent contribuer à mettre en insécurité le DAPE et/ou son adjoint et se répercutent à des degrés divers sur les REA et les agents, chaque manager à son niveau tentant de contenir cette pression, certains y parvenant mieux que d’autres.
Secafi note que « le facteur de solidarité managériale au sein de l’ELD, entre l’ELD et le DT est un facteur important de bien vivre au travail (d’être soutenu, écouté…) et de sécurité. Inversement, le DT en posture d’injonction et de rapport de pouvoir fait du directeur d’agence un « fusible ». Tous ne nous apparaissent pas sereins quant à leur positionnement professionnel et le rôle de DAPE nécessite une forte résistance au stress et aux pressions managériales.
Nous demandons à la Direction de se positionner clairement et fermement vis-à-vis de l’ensemble des salariés contre tout comportement qui pourrait de près ou de loin s’apparenter à un comportement toxique et rappeler qu’il y a des normes de base (garantie de la dignité et de l’équilibre psychique des salariés) sur lesquelles il n’y ne peut y avoir de débat.
Une réelle adéquation entre les charges et les ressources des postes de DAPE, DAPE Adjoint et REA doit être effectuée.
Afin de permettre aux agents de mener au mieux leurs missions, l’organisation des sites nécessite :
5/ Le système de prévention
Dans la continuité des alertes du CHSCT formulées depuis déjà plusieurs années, l’expertise Secafi confirme l’existence de situations de souffrance au travail, et dont certaines ne sont pas traitées !
Ces situations de souffrance sont fortement liées à des problématiques de charge de travail, de pression sur les délais, indicateurs… de traitement des dossiers dans l’urgence, de sentiment de ne pouvoir faire un travail de qualité.
Le traitement managérial de ces situations complexes (conseiller les salariés en détresse « organisationnelle » d’aller voir un psychologue) pose question… Le fait de renvoyer le salarié concerné à des actions de prévention tertiaire permet quelque part de « gérer » le problème sans remettre en cause l’organisation du travail.
Dans le contexte actuel de transformation de Pôle Emploi et de la culture managériale qui en découle (viser l’excellence, remporter les nouveaux challenges, être au rendez-vous des attendus politiques), les remontées d’alerte et de souffrance des salariés en lien avec l’organisation sont-elles entendues par notre Direction ?
L’infantilisation organisée des agents par certaines actions (réunions « pyjamas », lancer de bonbons et autres déguisements par exemple) amène à croire que non.
Quelle réponse la direction va-t-elle donner aux différentes questions d’organisation du travail soulevées par le rapport de Secafi ?
Nous exigeons la présentation d’un plan d’action prenant réellement en compte l’évaluation des risques psychosociaux, l’absentéisme et autres indicateurs pertinents de la dégradation de la santé et des relations de travail par un plan de prévention primaire.
En effet, les actions engagées jusqu’à lors sont principalement orientées vers de la prévention secondaire (formation managériale, groupes d’expression…).
Il est donc primordial d’associer concrètement les agents à l’élaboration du plan d’action en tenant compte des points suivants :
En conclusion,
Nous demandons à la Direction de se positionner clairement et fermement vis-à-vis de l’ensemble des salariés contre tout comportement qui pourrait de près ou de loin s’apparenter à un comportement toxique et rappeler qu’il y a des normes de base (garantie de la dignité et de l’équilibre psychique des salariés) sur lesquelles il n’y ne peut y avoir de débat.
Le SNU organise un CFS sur "les effets de l'organisation du travail sur la santé: L'épuisement professionnel", ouvert à l'ensemble des agents de la région.
Lors de cette journée, nous aborderons les thématiques suivantes :
Nous vous invitons à venir débattre avec nous de cette question au travers d’apports théoriques et de paroles d’experts.
Nous vous proposons plusieurs dates et lieux au choix :
Le 5 septembre 2019 à la Bourse du travail
Locaux FSU-boulevard de l’usine LILLE FIVES
Le 16 septembre 2019 à la salle Marie Thérèse LENOIR
1 rue Charles Péguy à ARRAS
Le 23 septembre 2019,
25 rue Riolan (Salle du SNES au sous sol) à AMIENS
Le 24 septembre 2019 à la Bourse de Travail
1, rue Fernand Pelloutier à CREIL
Le 30 septembre 2019 à ST QUENTIN (salle à préciser)
Le 14 octobre 2019 maison des associations
2 rue de l’esplanade à GRAVELINES
Le 15 octobre 2019 à BERCK (salle à préciser)
Le 17 octobre 2019 à la Bourse du Travail
Locaux FSU-boulevard de l’usine LILLE FIVES
Le 21 octobre 2019 à ESCAUTPONT,
Salle de la Médiathèque, 54 Rue Jean Jaurès
Le 28 octobre 2019 à la Bourse du Travail
Locaux FSU Boulevard de l’usine LILLE FIVES
(Attention: inscription au plus tard, 1 mois avant la date du CFS)
Le Congé de Formation Syndicale (CFS) est une réunion permettant à un syndicat d’informer le personnel.
Il est ouvert à tout agent, quel que soit le statut, dans la limite de 15 jours par an.
Le but de ce CFS est de vous apporter informations, éclaircissements et réponses à vos interrogations sur les dispositifs de formation Continue des Salariés à Pôle emploi.
Comment participer ?
et
aux Relations Sociales : relationssociales.npdcp@pole-emploi.fr
Ne restez pas dans l’ignorance de vos droits et inscrivez-vous rapidement (attention, nombre de places limité).
Déclaration de l’ensemble du CHSCT Nord Pas-de-Calais à l’occasion de la consultation de l’instance sur le Plan de Prévention des Risques 2019. Sur cette consultation, l’instance s’est prononcée à l’unanimité « Contre ».
Un mal-être au travail peut avoir des conséquences sur la santé du salarié mais aussi sur la performance de l’entreprise. © SALESSE Florian
Troubles de la concentration, du sommeil, irritabilité, nervosité, fatigue importante, palpitations… Selon l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, un nombre grandissant de salariés déclarent souffrir de symptômes liés à des risques psychosociaux.
Explications de ce phénomène qui s’amplifie dans le monde du travail en mutation (complexité des tâches, réduction des temps de repos, individualisation, exigences de la clientèle…) avec Sylvie Cartoux, chargée de mission pour l’Aract Nouvelle-Aquitaine*.
« Ils proviennent du rapport à l’objet travail qui devient facteur de contraintes, dans le cas où la personne ne se sent pas compétente, pas assez formée, ou si elle est sous tension en raison d’une organisation, d’un manque de moyens humains, financiers ou matériels… souligne Sylvie Cartoux, psychologue du travail. Ils naissent aussi du rapport aux autres, des relations avec la hiérarchie, les collègues, les clients… On parle beaucoup de harcèlement mais ce sont souvent des conflits que les salariés n’arrivent pas à régler. »
Pour illustrer les cas de violences morales ou physiques, Sylvie Cartoux évoque des pressions faites par un manager sur une personne en CDD « qui devait faire ce qu’il lui demande sans discuter pour espérer un CDI » ; de salariés qui sont bousculés ou à qui on « balance » feuilles ou dossiers au lieu de leur donner ; jusqu’à cet éducateur d’un centre médico-social qui a eu huit dents cassées après avoir tenté de séparer deux jeunes qui se disputaient.
« La performance des salariés passe forcément par leur bien-être. En cas de problème, tout le monde y perd, il faut donc jouer collectivement. En France, le coût de ces risques est estimé à 3 milliards d’euros par an, venant des coûts directs (absence, surcharge de travail, arrêt maladie…) et les coûts indirects (perte de marché, casse…). »
« Il faut adapter le travail à l’homme ; et cela doit faire partie de la stratégie de l’entreprise. » Si un salarié est en difficulté, « il doit se faire aider, il doit en référer à sa hiérarchie, aux ressources humaines, alerter la médecine de travail, les représentants du personnel… En cas de harcèlement, une enquête doit être ouverte. »
Une entreprise peut également demander de l’aide : « Je suis intervenue dans une structure de 35 personnes suite à un burn out d’un salarié, et d’accumulation d’erreurs et d’engorgements face à un surcroît de charges et de demandes, raconte Sylvie Cartoux. Après un état des lieux, nous avons aidé la société à réorganiser ses services. »
(*) À Brive, la semaine dernière, Sylvie Cartoux a animé une matinée de sensibilisation sur les risques psychosociaux, auprès de 80 professionnels corréziens, organisée par l’Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail avec la Carsat centre ouest, la CCI Corrèze, le Medef, la Sécurité sociale, l’Assurance-maladie.
En chiffres
3 milliards. C’est ce que coûtent, en euros, les risques psychosociaux par an. Une estimation faite en 2007 par l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS).
36 % des salariés ont signalé avoir subi au moins un comportement hostile dans le cadre de leur travail au cours des 12 derniers mois ; 47 % des actifs occupés déclarent devoir se dépêcher ; 33 % disent ne pas éprouver la fierté du travail bien fait ; 24 % craignent de perdre leur emploi. (Sources de l’enquête Conditions de travail 2013 par l’INRS).