La transformation de Pôle emploi en France Travail suscite de nombreuses interrogations quant à ses conséquences sur les conditions de travail des agents et l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Le gouvernement avait présenté cette réforme comme une avancée majeure pour lutter contre le chômage. Mais une étude intitulé « Santé mentale et expérience subjective du chômage » menée par trois chercheurs Antoine Duarte, Stéphane Le Lay et Fabien Lemozy nous montre les dégâts psychologiques qu’entraine une telle orientation. Leur analyse révèle des enjeux complexes et particulièrement problématiques.
Rappelons d’abord que la loi « plein emploi », a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale en octobre 2023. Elle accompagne la transformation de Pôle Emploi en une nouvelle entité « France Travail ». Le projet vise à regrouper différents acteurs de l’insertion et de l’emploi (missions locales, Cap emploi, etc.) afin de proposer un guichet unique aux demandeurs d’emploi.
Cependant, les modalités précises de cette réorganisation sont restées floues à quelques mois de sa mise en œuvre. Le manque de visibilité a plus qu’inquiété les syndicats et les agents de Pôle emploi. Ils anticipent une dégradation possible de leurs conditions de travail. En effet, cette transformation s’accompagne d’objectifs ambitieux en termes de réduction du chômage, sans que les moyens humains et financiers ne suivent.
Le gouvernement « démisionnaire » a affiché sa volonté d’atteindre le plein emploi d’ici 2027, avec un taux de chômage ramené à 5%. Le futur gouvernement s’inscrit dans cette même logique. Il est demandé à France Travail d’intensifier l’accompagnement des demandeurs d’emploi, notamment ceux qui sont les plus éloignés du marché des offres.
Concrètement, cela se traduit par des objectifs chiffrés : il est prévu de doubler les contrôles de recherche d’emploi, d’augmenter du nombre d’entretiens par conseiller, de réduire les délais de prise en charge, etc. Ces objectifs quantitatifs vont accroître considérablement la pression sur les agents, au détriment de la qualité de l’accompagnement. Cette course aux chiffres ne peut se faire qu’au détriment de l’humain et d’un accompagnement personnalisé.
La création de France Travail s’accompagne d’une refonte des statuts et des contrats de travail. C’est bien évidemment une source d’inquiétudes pour les salariés. En effet, le projet prévoit le recours accru aux contrats courts et à l’intérim pour faire face aux pics d’activité. .
Cette flexibilisation de l’emploi risque d’accentuer cette précarité déjà existante au sein de Pôle emploi. Actuellement, près d’un quart des effectifs sont en CDD ou en contrat aidé. Avec France Travail, cette proportion pourrait encore augmenter.
On peut légitimement craindre une ubérisation des métiers de l’accompagnement vers l’emploi. Avec des contrats toujours plus courts et conditionnés à des budget et des résultats, comment assurer un suivi de qualité des demandeurs d’emploi dans la durée ? La question est devenue insoluble.
Par ailleurs, la fusion des différentes structures risque de se traduire par des suppressions de postes, notamment dans les fonctions support. Les syndicats redoutent un plan social déguisé, alors même que la charge de travail de chacun ne cesse d’augmenter.
Les agents de France Travail voient leurs conditions de travail se dégrader. Ils sont de plus en plus outillés via des systèmes informatiques qui les collent devant leurs écrans. Mais le discours des encadrements se veut rassurent avec l’usage d’éléments de langage. Cette pression et cette façon de présenter le travail impacte l’accompagnement des demandeurs d’emploi . Plusieurs évolutions sont à questionner :
On pousse les conseillers à placer les gens coûte que coûte, même si l’emploi ne correspond pas à leur projet ou leurs compétences. C’est contre-productif car cela aboutit souvent à des abandons ou des fins de période d’essai. Mais cela entrera dans les statistiques mensuelles moulinées par le système informatique de l’institution. Cette façon de travailler et la pression qui l’accompagne crée de la souffrance au travail car fondamentalement les agents du service public de l’emploi qui sont confrontés aux détresses humaines connaissent les limites d’uune telle démarche. Certains agent ont baissé les bras, d’autres (notamment les directeurs d’agence) ont intégré les éléments de langage. Certains sont mêmes enthousiastes et enfin il y a ceux qui résitent à bas bruit.
La création de France Travail s’accompagne d’une volonté de développer encore plus les services en ligne. Le mouvement était déjà massif du temps de Pôle Emploi, mais les algorithmes étaient moins sophistiqués. Il s’agit aujourd’hui de faire appel à l’intelligence artificielle. Si cela peut faciliter certaines démarches, le risque est aussi d’éloigner encore davantage les publics les plus fragiles, peu à l’aise avec le numérique.
On en arrive à oublier que 13 millions de Français sont en difficulté avec le numérique. Sans accompagnement humain adapté, beaucoup risquent de renoncer à leurs droits. Les services sociaux vont être sollicités pour tenter d’éviter ce risque de désaffection.
La politique du chiffre instaurée par l’institution génère un sentiment de « pression productiviste » chez les agents, notamment ceux chargés du contrôle des demandeurs d’emploi. Cette approche quantitative s’accompagne d’une procéduralisation croissante du travail, avec des outils informatiques souvent considérés comme peu adaptés par les conseillers. Ces évolutions creusent la distance avec les chômeurs et complexifient le travail des agents.
Si le gouvernement affiche des objectifs ambitieux en termes de retour à l’emploi, les moyens alloués à France Travail apparaissent très insuffisants pour y parvenir. Le budget 2024 prévoyait une hausse limitée des effectifs (+850 équivalents temps plein), loin des besoins estimés par les syndicats. dans les fait il est mathématiquement impossible de répondre à la demande sans augmenter de façon importante les portefeuilles des agents.
Cette inadéquation entre les objectifs et les moyens risque d’accentuer les inégalités territoriales. Les zones rurales ou les quartiers prioritaires, qui concentrent souvent les publics les plus en difficulté, pourraient être les premières victimes du manque de ressources.
Au-delà des modalités de mise en œuvre, c’est la philosophie même de la réforme qui pose question. En se focalisant sur l’accompagnement et le contrôle des demandeurs d’emploi, France Travail ne s’attaque pas aux causes structurelles du chômage et à l’inadéquation entre l’offre et la demande. On fait comme si le problème venait uniquement des chômeurs, alors que c’est avant tout un problème macroéconomique. Sans politique de relance et de création d’emplois, on ne fera que déplacer le problème en maltraitant les demandeurs d’emploi. Dans un contexte de ralentissement économique et de mutations technologiques, le marché du travail peine à absorber l’ensemble de la main-d’œuvre disponible.
Il y a aussi un autre problème : Les métiers déconsidérés précaires et mal payés ne trouvent pas preneurs. De nombreux secteurs peinent à recruter, non par manque de candidats, mais en raison de conditions de travail et de rémunération peu attractives.
Ceux qui nécessite une formation importante non plus. Par exemple, nous manquons de médecins hospitaliers et généralistesalors qu’il faut plusieurs années d’étude avec une sélection impitoyable pour pouvoir exercer. D’autres métiers sont dans une situation similaire. Intensifier l’accompagnement des demandeurs d’emploi ne résoudra pas ces difficultés .
Conséquence, on pousse les gens à accepter n’importe quel emploi, même précaire ou mal payé. C’est une vision court-termiste qui ne résout pas le problème de fond. Il est mis en avant «une politique du chiffre», selon les chercheurs. Et celle-ci «prend des aspects bien plus cyniques quand elle sert la volonté de contrôler les demandeurs d’emploi, dont la motivation à les faire sortir des taux du chômage est à peine masquée», signalent-ils. Ces propos issus du rapport repris par la DARES n’ont pas été appréciés par la direction de France Travail qui rejette ces arguments.
La création de France Travail s’inscrit dans une tendance plus large de flexibilisation du marché du travail. Après la réforme de l’assurance chômage qui a durci les conditions d’indemnisation, cette nouvelle étape risque d’accentuer la pression sur les demandeurs d’emploi pour qu’ils acceptent rapidement un poste, quelles qu’en soient les conditions.
Cette logique du « tout-emploi » fait craindre une précarisation accrue, tant pour les salariés que pour les chômeurs. Le développement des contrats courts, de l’intérim ou des temps partiels subis pourrait devenir la norme, au détriment d’emplois stables et correctement rémunérés. Cette façon d’agir va avoir pour conséquence de créer une armée de travailleurs pauvres. Cette vision risque d’aggraver les inégalités et la pauvreté, plutôt que de les résorber.
Cette évolution interroge plus largement sur le modèle de société que l’on souhaite construire. La course effrénée au plein emploi ne devraitt pas se faire au détriment de la qualité de vie et du bien-être des travailleurs. Mais de cela nos dirigeants n’en n’ont que faire. C’est même un sujet qui ne peut être abordé actuellement sans risque de se voir taxer d’idéologue de la paresse.
Face aux limites et aux risques de la réforme France Travail, plusieurs pistes alternatives peuvent être avancées :
La création de France Travail soulève de nombreuses inquiétudes légitimes quant à ses conséquences sur les conditions de travail des agents et l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Si l’objectif de lutter contre le chômage est louable, les modalités choisies vont se traduire par une accentuatioin de la précarisation et un accroissement des inégalités.
Une véritable politique de l’emploi ne peut se résumer à une course aux chiffres et à un renforcement des contrôles. Cette vision est partielle et partiale. Il s’agit avant tout se mettre au service de l’humain, en donnant les moyens d’un accompagnement de qualité tout en s’attaquant aux causes profondes du chômage. Les agents du service public de l’emploi savent bien de quoi je parle.
Cela implique de repenser en profondeur notre modèle économique et social, pour construire une société plus inclusive où chacun puisse trouver sa place. Le travail ne doit pas être une fin en soi, mais un moyen d’épanouissement et d’émancipation.
Dans cette optique, la réforme France Travail gagnerait à être profondément remaniée, en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés : agents, demandeurs d’emploi, partenaires sociaux, associations, etc. C’est à cette condition qu’elle pourra véritablement contribuer à réduire le chômage tout en préservant la dignité et les droits de chacun.
Le défi est de taille, mais il en va de la cohésion de notre société. Plutôt que d’opposer emploi et protection sociale, efforçons-nous de construire un modèle qui concilie réalité économique et justice sociale. C’est tout l’enjeu des débats qui devraient se poursuivre dans les mois à venir autour de cette réforme majeure.
Audition du DG à l'assemblée nationale
M. Hadrien Clouet, rapporteur. Je vous remercie, Monsieur Guilluy, pour cette présentation. Vous avez été chargé il y a trois ans, et vous l’avez vous-même rappelé, de déployer le programme d’inspiration gouvernementale « 1 jeune, 1 solution ». Lorsqu’il a été lancé, au début de l’année 2020, 12,3 % des jeunes n’étaient ni en emploi, ni en études, ni en formation ; aujourd’hui, 12,3 % des jeunes ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation. C’est donc au vu de ce résultat que le Gouvernement a souhaité appliquer désormais cette méthode au service public de l’emploi : j’imagine que nous aurons bientôt le plan « 7 millions de chômeurs, 7 millions de solutions ». Pour l’instant, cela s’appelle France Travail. Et vous avez piloté la concertation qui a précédé la création de l’opérateur. Bien sûr, vous ne sauriez être tenu pour responsable de cette expérience, à mes yeux modérément positive. Je souhaite néanmoins vous interroger sur vos intentions.
Si votre nomination est confirmée, votre arrivée à la tête de l’opérateur coïncidera avec l’entrée en vigueur de la loi dite « plein emploi ». J’aimerais donc connaître vos intentions concernant le fonctionnement de l’institution, ses agents et ses prestataires. Le Gouvernement nous a expliqué que la disparition de Pôle emploi serait sans conséquences, mais chat échaudé craint l’eau froide et l’on se souvient de ce qui s’est passé au moment de la fusion entre l’Assedic et l’Agence nationale pour l’emploi.
Avec la loi dite « plein emploi », tous les allocataires du RSA, ainsi que leur conjointe ou leur conjoint, et les personnes reconnues comme travailleur handicapé devront s’inscrire à France Travail. Comment anticipez-vous l’inscription de ces centaines de milliers de personnes supplémentaires à France Travail ? Cette tâche sera-t-elle en partie prise en charge par les conseils départementaux et, si tel est le cas, avec quels moyens humains ? Maintenez‑vous l’annonce selon laquelle 300 équivalents temps plein (ETP) seraient créés chez l’opérateur France Travail, soit 0,35 poste par site ?
Au-delà de la question des effectifs, se pose aussi celle du statut des agents, et de leur précarité. Actuellement, de nombreux agents de Pôle emploi sont en CDD ; ce type de contrat représente 80 % du flux des recrutements et 8 % des agents en exercice, alors que la convention collective avait fixé un plafond à 5 %. La nécessité de former ces nouveaux agents, qui arrivent très régulièrement, absorbe une partie du temps de travail de leurs collègues, qui doivent exercer une forme de tutorat. On peine à fidéliser les nouvelles entrantes et les nouveaux entrants, car on les cantonne à des tâches d’accueil aux guichets, en vertu d’une division croissante du travail, elle-même contestable. Comment comptez-vous résorber cette précarité ? Pouvez-vous confirmer que l’ensemble des droits des agents de Pôle emploi, puis de France Travail, contenus à la fois dans le statut pour les agents publics et dans la convention collective, pour les agents de droit privé, seront maintenus, ainsi que les accords en vigueur dans l’établissement concernant le télétravail ou l’accord relatif à l’organisation et l’aménagement du temps de travail ?
Face aux agents, il y aura désormais des usagères et des usagers qui n’auront pas forcément le même profil que par le passé. Quels seront les devoirs des conjointes, conjoints, concubines et concubins des allocataires du RSA qui devront désormais s’inscrire à France Travail ? Ces personnes seront-elles contrôlées par les plateformes de contrôle de la recherche d’emploi (CRE), qui interviennent d’abord à distance, par l’envoi d’un questionnaire, puis par appel téléphonique ? Si tel est le cas, comment se déroulera le contrôle d’une personne qui est inscrite à France Travail parce qu’elle est en couple avec un bénéficiaire du RSA, mais qui travaille ? Comment se déroulera le contrôle d’un agriculteur exploitant, bénéficiaire du RSA agricole, et qui pourra, en tant que demandeur d’emploi, faire l’objet d’un contrôle aléatoire par tirage au sort ?
La loi dite « plein emploi » a instauré quinze heures minimum d’activité obligatoire par semaine pour les bénéficiaires du RSA. De quel type d’activités s’agira-t-il ? Comment pouvons-nous être certains qu’il ne s’agira pas d’une forme de travail dissimulé ou gratuit ? Je pense à ce qui a pu se passer à La Réunion, où des allocataires du RSA ont fait du réassort pour les soldes d’hiver.
Cela nous amène à la question de l’accès aux droits, que vous avez vous-même évoquée à la fin de votre intervention et sur laquelle je crois que nous pouvons tous nous retrouver. Comment comptez-vous déployer votre politique dite du « aller vers » et toucher les 30 à 40 % de personnes qui pourraient bénéficier d’une allocation mais qui ne font pas les démarches nécessaires ? Comptez-vous travailler avec l’Unedic à la détection automatique des personnes ayant perdu leur emploi ?
S’il y a des agents et des usagers, c’est qu’il y a aussi des offres d’emploi. Vous m’avez étonné quand vous avez dit que l’un de vos objectifs était la création d’emplois, car le mandat de l’opérateur public d’intermédiation n’a jamais été de créer des emplois. Son rôle, c’est d’être un intermédiaire entre des personnes demandeuses d’emploi et des offres d’emploi existantes. Comment comptez-vous vous y prendre pour que l’opérateur crée lui‑même des offres d’emploi ? Cela m’intéresse ! En tout cas, en tant que directeur général de France Travail, vous serez en première ligne, s’agissant de la régulation du marché du travail. C’est une tâche que vous connaissez, puisque vous avez été le coordinateur du plan présidentiel Les entreprises s’engagent : à ce titre, vous connaissez le processus de publication, puis de diffusion des offres d’emploi. Comment comptez-vous lutter contre les offres d’emploi frauduleuses, illégales ou mensongères ?
La commission mixte paritaire qui s’est réunie pour examiner le projet de loi dit « plein emploi » est revenue sur l’un de nos amendements, alors même qu’il avait fait l’objet d’un vote unanime en séance publique et d’un avis favorable du ministre. Il imposait à Pôle emploi de contrôler la qualité des offres d’emploi. Comment allez-vous procéder, dans le cadre existant, pour réaliser des contrôles a priori de la qualité des offres d’emploi ? Depuis qu’on a mis œuvre les politiques de transparence du marché du travail en 2013, avec l’agrégation des offres depuis l’extérieur, ce contrôle a priori n’a plus lieu. J’ai apporté quelques offres d’emploi illégales que j’ai trouvées ce matin dans ma circonscription : CDD de trente‑six mois, mission intérimaire de vingt-trois jours payée en dessous du Smic, offres mensongères en tout genre...
Des contrôles existent aujourd’hui à Pôle emploi, mais les moyens ne sont pas suffisamment dimensionnés et le personnel n’est pas suffisamment nombreux pour combler par son dévouement le manque de moyens. Les offres frauduleuses sont d’autant plus problématiques que les offres d’emploi ne sont plus uniquement collectées et distribuées par les agents de Pôle emploi. La loi instituant France Travail a totalement dérégulé le recours aux opérateurs privés, y compris pour détecter les ayants droit. Comment, dans ces conditions, comptez-vous analyser le bilan de ces sociétés privées à but lucratif qui se voient déléguer une partie des tâches ? Les études publiées – Behaghel, Crépon et Gurgand en 2009, Dares Analyses n° 2 en 2012 et la synthèse Éval’ Dares de 2013 – montrent que l’accompagnement par les agents de Pôle emploi permet d’obtenir de meilleurs résultats. Depuis ces études, aucune évaluation n’a malheureusement été publiée. Au vu des piètres résultats des opérateurs privés, allez-vous renforcer les capacités du public ? Quelle part du budget allez-vous dédier aux opérateurs privés ? Elle sera, pour nous, toujours excessive.
Le recours à des prestataires privés extérieurs pose également la question de la cybersécurité et de la protection des données. Des amendements au projet de loi dit « plein emploi » visant à les renforcer ont malheureusement été balayés en commission mixte paritaire après leur adoption en séance. J’aimerais partager un exemple personnel. J’ai reçu le 12 septembre 2023 un courrier de la direction générale de Pôle Emploi concernant mes quatre mois d’inscription en 2018. Je vous le lis : « Suite à un acte de cybermalveillance dont un de nos prestataires a été victime » – je n’ai pourtant jamais été mis en relation avec un prestataire – « des informations personnelles vous concernant sont susceptibles d’être divulguées, notamment nom, prénoms, statut actuel ou ancien, ainsi que numéro de sécurité sociale ». Comme vous pouvez l’imaginer, j’ai quelque inquiétude de savoir mes données personnelles se promener ainsi dans la nature.
Je souhaite que notre échange soit utile à la fois aux agents qui craignent pour le contenu de leur fiche de poste, aux usagers qui craignent de ne pas être reçu en rendez-vous et aux employeurs qui craignent d’être submergés de candidatures.
Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Monsieur Guilluy, je vous donne la parole pour répondre à M. le rapporteur.
M. Thibaut Guilluy.
L’inscription est un des premiers enjeux. Elle fait l’objet de l’article 1er du projet de loi, qui sera mis en œuvre le 1er janvier 2025. Ce délai nous permettra de nous nourrir des travaux et des expérimentations en cours. Concernant les bénéficiaires du RSA, l’organisation et les apprentissages sont en cours de développement avec les départements. Cela se passe bien et nous allons monter en puissance au cours de l’année 2024 avec d’autres départements et bassins pilotes. Après l’inscription, viennent les moments importants de la prise en charge et du diagnostic. Le diagnostic conjoint, avec le regard du travailleur social du département et celui du conseiller Pôle emploi, change d’ailleurs beaucoup de choses.
Le travail concernant les jeunes est réalisé avec les missions locales, qui offrent un cadre assez opérant, renforcé par la mise en place du CEJ qui a favorisé un rapprochement des pratiques et des modes de fonctionnement avec Pôle emploi. L’inscription dans le parcours permet de partager les offres de service et d’éviter les ruptures de parcours en passant d’un système à un autre.
Concernant les personnes en situation de handicap, nous allons, dès 2024, mener des expérimentations afin de rapprocher l’accompagnement de ces personnes du droit commun tout en prenant en compte la complexité de leur situation, je pense notamment aux jeunes sortant d’un institut médico-éducatif ou du dispositif Ulis.
La question du statut des opérateurs est liée à la qualité de l’accompagnement : les agents peuvent difficilement bien accompagner les candidats si eux-mêmes ne se sentent pas soutenus et protégés. Plus de 50 000 agents de Pôle emploi sont en CDI, contre 5 000 en CDD. Nous maintiendrons cette politique de consolidation des postes afin de permettre aux agents, titulaires d’un emploi durable, d’accompagner les candidats vers un emploi durable. J’observe par ailleurs que 75 % des agents de Pôle emploi sont fiers d’y travailler et qu’ils sont 80 % à se dire très intéressés par leur métier. Le taux de turnover de 5 % est le résultat de cette stabilité et de cet attachement ; il est la preuve que les conditions de travail sont positives. Depuis 2019, trente-six accords ont été négociés dans le cadre du dialogue social, qui continuera d’évoluer. La mise en œuvre de France Travail ne remettra pas en cause ce qui fonctionne bien.
Il est important de maintenir une part de contrôle aléatoire, à côté du contrôle sur signalement et du contrôle à partir d’un faisceau d’indices. Les partenaires sociaux y sont d’ailleurs très attachés. Le projet de loi prévoit l’adaptation des contrôles. Ainsi, les agriculteurs exploitants touchant le RSA, qui travaillent jusqu’à quatre‑vingts heures par semaine, ne seront pas soumis à l’obligation de réaliser quinze ou vingt heures d’activité supplémentaire, mais il ne faut pas écarter d’emblée l’idée de leur proposer un accompagnement adapté. Nous y réfléchissons avec les acteurs concernés, la Mutualité sociale agricole notamment, dans des départements comme ceux de l’Aveyron ou de la Creuse où des problèmes de précarité se posent.
La question du travail dissimulé dans le cadre du RSA et de la période d’activité supplémentaire ne se pose pas puisque tout travail fait l’objet d’un contrat et 25 % des bénéficiaires exercent d’ailleurs une activité salariée.
Afin d’améliorer la détection des personnes qui ne s’inscrivent pas, nous pouvons nous inspirer du travail réalisé avec les départements et les caisses d’allocations familiales (CAF) pour lutter contre le non-recours au RSA. Un autre exemple est celui de l’information du droit à l’allocation spécifique de solidarité adressée aux allocataires de l’allocation d’aide au retour à l’emploi en fin de droits. Nous allons poursuivre ces efforts.
Le service public de l’emploi crée, s’il fonctionne bien, des emplois. C’est plus qu’une conviction : cela a été démontré par des études internationales. Il crée des emplois de trois manières. La première est la prospection d’entreprises, notamment les TPE. La prospection de cent entreprises permet, en effet, la création de sept emplois net. C’est un des axes prioritaires. La deuxième est la réduction des délais de recrutement : avec un stock d’un million d’offres d’emploi, la réduction d’un jour du délai moyen de recrutement permet la création de 25 000 emplois net. La troisième est l’accompagnement intensif des personnes – je pense au CEJ ou à l’accompagnement global –, qui permet d’augmenter de 5 à 10 points le retour à l’emploi et de réduire le nombre d’offres non pourvues, qui s’établit aujourd’hui entre 300 000 et 450 000.
Concernant les opérateurs privés – nous nous appuyons sur des études pour les évaluer, notamment celles que vous avez citées –, il ne faut pas caricaturer les choses : environ 5 % du budget leur est consacré, ce qui est très raisonnable. Nous y avons recours pour des besoins spécifiques, comme la mise en place du parcours emploi santé, qui obtient d’ailleurs un niveau de satisfaction mesuré de 90 %. Le personnel du service public reste globalement chargé de l’accompagnement : un conseiller Pôle emploi est affecté à chaque demandeur d’emploi.
Pour lutter contre les offres frauduleuses, Pôle emploi utilise l’algorithme Lego, qui permet de les détecter à hauteur de 93 %. Nous poursuivons son amélioration grâce à des investissements et il est envisagé de le mettre à disposition sous forme de commun numérique afin de réaliser la démarche de détection de ces offres le plus en amont possible. La cybersécurité est une préoccupation très forte. Un audit réalisé par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information a montré la grande maturité des systèmes de Pôle emploi. Les investissements se poursuivent pour faire face à des attaques chaque fois plus sophistiquées.
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Récap des 13 épisodes et 23 engagements ! France Travail : Protocole de préfiguration en HdF :
EPISODE 9 : Enjeu N° 3 - Engagements N°13 et 14 ! France Travail : Protocole de préfiguration en HdF
EPISODE 8 : Enjeu N° 2 - Engagements N°11 et 12 ! France Travail : Protocole de préfiguration en HdF