Crise oblige, Saverglass, la verrerie de Feuquières (Oise) proposerait à ses salariés une baisse de salaire de 7 % sur les six prochains mois pour préserver l’emploi. À ce stade, rien n’est signé mais les négociations ont commencé avec l’ensemble des syndicats. Et dans l‘usine de Feuquières, ça grince des dents.
Saverglass, comme l’ensemble du monde industriel subit la crise de plein fouet avec une baisse des commandes. Mais aujourd’hui, le plan proposé par la direction n’est pas du goût des syndicats. Et notamment de la CGT.
Nous attendons l’expert-comptable choisi par nos soins pour vérifier la véracité des propos de la direction. Si les résultats ne sont réellement pas bons, il faudra certainement négocier.
L‘accord de performance collective créé par Emmanuel Macron dès 2017, permet en effet aux entreprises d’aménager la durée du travail et la mobilité du salarié afin de préserver l’emploi.
C’est du chantage à l’emploi.
Et d’ajouter : « Depuis que nous avons été rachetés, on ne parle plus chiffes mais pourcentage. On nous dit ce que l’on veut. On nous a toujours refusé un expert-comptable. Là, ça à l’air de vouloir changer de position. Il faut agir et ne pas faire de bêtises ».
Mais le syndicaliste reste campé sur ses positions. « Dans le cas, où on nous oblige à négocier, il est hors de question d’accepter les 7 % ».
Des négociations devront alors être entamées. Et Pascal Vallée s’inquiète d’autant plus qu’il ne travaille pas depuis six mois. « Je suis en convalescence. Les gens se posent des questions car ils ne me voient plus. Je suis arrêté depuis six mois pour un problème au genou. Je vais peut-être devoir retourner me faire opérer ». Mais au-delà, de son problème personnel, Pascal Vallée martèle que « l’heure est grave ».
« La direction nous dit que les cadres dirigeants vont réduire leurs salaires de 30 %. Mais nous n’avons aucune preuve. On ne peut avoir que des doutes ». assure-t-il.
On a perdu 200 personnes en un an. On a peur.
Rappelons qu’en avril 2023, 1 385 salariés faisaient tourner l’usine de Feuquières. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 1 180.
Quant à la baisse des salaires de 7 % sur six mois, le délégué syndical développe : « Les 7 % de baisse nous engagent pour les six prochains mois. Mais que se passera-t-il le 7e mois ? »
Plusieurs réunions depuis la semaine dernière ont déjà eu lieu en fonction des horaires de travail de chacun pour entendre l’avis des salariés. Et ce n’est sûrement pas terminé. « Il ne faut surtout pas signer un tel accord. On ouvre une boîte de Pandore ».
Contactée, l’entreprise Saverglass nous a expliqué qu’ils communiqueraient possiblement dans les prochains jours.
Source : https://actu.fr/hauts-de-france/feuquieres_60233/saverglass-dans-loise-propose-une-baisse-des-salaires-pour-faire-face-a-la-crise_61797457.html
Du Japon à la Nouvelle-Zélande, en passant par le Royaume-Uni ou encore le Portugal, la semaine de quatre jours a le vent en poupe ces dernières années. La France n’échappe pas à la frénésie : en 2023, selon le ministère du Travail, près de 10 000 salariés de l’Hexagone travaillaient en quatre jours. Entre 2021 et 2023, le nombre d’accords d’entreprise évoquant cette manière de travailler est passé de 80 à 450, tous secteurs d’activité confondus.
Qu’est-ce qui peut bien expliquer que la fièvre de la semaine de quatre jours ait piqué autant de firmes tricolores ? Les récents travaux de la sociologue Pauline Grimaud, maîtresse de conférences à Tours, nous apportent des réponses. Pour le Cnam-CEET, elle a passé en revue 150 accords d’entreprises signés en 2023.
Sans surprise, la majorité des accords indiquent proposer la semaine de quatre jours au nom du « bien-être au travail » de leurs salariés. De quoi a priori se réjouir : à une époque où les conditions de travail des Français se dégradent, de nombreux employeurs semblent prendre le contrepied et vouloir prendre soin de leurs subordonnés.
Car parmi les 49,3 % d’accords évoquant le bien-être au travail, 40 % précisent « tout en préservant la compétitivité de l’entreprise ». Pas folle, la guêpe ! Cette compétitivité implique qu’il n’y ait pas de baisse de la durée du travail dans neuf cas sur dix.
« On arrive facilement à des amplitudes journalières de travail de dix heures ou plus, précise Pauline Grimaud. Aucun accord ne parle de baisse de la charge de travail. Autrement dit, les salariés doivent faire autant, en moins de jours. Leur semaine est compressée. »
« On a souvent tendance à confondre la semaine de quatre jours et la semaine “en” quatre jours », Eric Heyer, économiste
On retrouve bien là les limites que nous évoquions il y a quelques mois et que résumait Eric Heyer, économiste à l’OFCE : « On a souvent tendance à confondre la semaine de quatre jours et la semaine “en” quatre jours. »
Dans les accords d’entreprise qu’a étudiés Pauline Grimaud, certaines sociétés ont bel et bien réduit la durée de travail. Mais, d’une part, elles sont très rares – 10 %1 de son échantillon. D’autre part, elles le font souvent en exigeant une contrepartie :
« La réduction peut par exemple s’opérer en passant d’une semaine de 39 heures à 35 heures, mais avec la suppression de jours de RTT. Donc à l’échelle de l’année, il ne s’agit pas d’une réduction réelle du temps de travail. », pointe la sociologue.
Dans les 150 accords étudiés, la chercheuse a repéré au moins trois formules différentes de la semaine de quatre jours. La plus courante consiste à travailler quatre jours sur cinq. Il existe ensuite une « semaine de quatre jours modulée », c’est-à-dire pensée comme un instrument de flexibilisation du temps de travail en fonction des besoins de l’entreprise.
« Les employés peuvent travailler 32 heures lors des périodes de basse activité, puis 40 heures lors des pics d’activité », reprend Pauline Grimaud.
Dans la même logique, la « semaine de quatre jours sur sept » est proposée dans des secteurs où l’activité s’exerce en continu : santé, aide à la personne, centres d’appels, commerces, etc.
« On demande aux salariés d’être disponibles sur des plages horaires qui sont celles de l’activité : le week-end, très tôt le matin, tard le soir, détaille la sociologue. Dans ce cas, la semaine de quatre jours est souvent proposée comme une contrepartie à des contraintes horaires très fortes. »
Cette dernière formule, qui concerne le plus souvent des femmes, ne manque pas de paradoxes : elle est souvent présentée comme un moyen d’équilibrer vie professionnelle et vie personnelle, sauf que les horaires sont très décalés et, de ce fait, entrent en contradiction avec la vie de famille.
En somme, après l’avoir étudiée dans le détail, la semaine de quatre jours semble davantage s’inscrire dans la continuité du mouvement d’intensification du travail observé depuis les années 1990 que le contredire, conclut Pauline Grimaud.
« Elle présente un risque d’accentuation du “modèle de la hâte” et du “travail pressé” dont parlent les chercheurs Serge Volkoff et Corinne Gaudart. » L’objectif premier reste ainsi d’aller toujours plus vite et d’intensifier le travail, en facilitant la vie aux entreprises qui peuvent plus facilement adapter l’activité.
Avec la semaine de quatre jours, il n’est pas question de réduire le temps de travail pour mieux le répartir et créer des emplois
Cette philosophie est donc loin de la logique qui émergeait avec les lois Aubry (en 1998 et 2000) pour les 35 heures, même s’il était déjà question de flexibilisation. Avec la semaine de quatre jours, il n’est pas question de réduire le temps de travail pour mieux le répartir et créer des emplois.
L’objectif d’amélioration du « bien-être » lui-même paraît finalement lointain, la mise en avant du travail sur quatre jours permettant d’esquiver la question de la baisse du temps de travail.
Servant en quelque sorte de caution, le dispositif apparaît, côté pile, comme un aménagement pour les salariés, mais il leur impose, côté face, des contreparties importantes en termes de cadence et de disponibilité. Voilà qui tend à expliquer pourquoi le dispositif est si populaire chez les employeurs…
Si amélioration du « bien-être » il peut y avoir, elle est à chercher davantage en dehors du travail qu’en son sein, avec une journée libérée de plus. Pas sûr que le deal soit gagnant : travailler intensément, sur un temps plus restreint, pour avoir la possibilité d’échapper ensuite, pendant plus longtemps, à un « travail pressé », n’est-ce pas une triste vision de l’amélioration de la vie des salariés ?
Source : https://www.alternatives-economiques.fr/semaine-de-quatre-jours-vernis-bien-etre-lintensification/00113012?utm_source=emailing&utm_medium=email&utm_content=08112024&utm_campaign=quotidienne
Prix Nobel de physique 2024, Geoffrey Hinton, pionnier de l'intelligence artificielle, est aujourd'hui terrorisé par ses propres créations. Il alerte sur le risque d'une IA incontrôlable, capable de surpasser l'intelligence humaine et de menacer l'humanité.
Ils sont les architectes de l’IA et pourtant il avertissent
L’attribution du prix Nobel de physique 2024 à Geoffrey Hinton, conjointement avec John Hopfield, consacre une vie dédiée à la recherche fondamentale sur les réseaux neuronaux artificiels, ces structures mathématiques et informatiques qui permettent aux machines d’apprendre. Ironiquement, cette distinction couronne un homme hanté par les implications potentiellement catastrophiques de ses propres découvertes. Hinton, surnommé « le parrain de l’intelligence artificielle », a non seulement contribué à poser les fondations de l’IA moderne, mais il est aussi devenu l’un de ses plus fervents critiques, avertissant l’humanité des dangers qu’elle représente.
L’Académie royale des sciences de Suède a récompensé Hinton et Hopfield pour leurs « découvertes et inventions fondamentales permettant l'apprentissage automatique au moyen de réseaux neuronaux artificiels ». Ces travaux, initiés il y a plusieurs décennies, ont ouvert la voie à l’explosion actuelle de l’IA, impactant des domaines aussi variés que la médecine, la finance et l’industrie. Pourtant, Hinton, professeur émérite de l’université de Toronto, ne savoure pas pleinement ce triomphe. Sa démission fracassante de Google en 2023, motivée par des inquiétudes grandissantes quant à la trajectoire du développement de l'IA, témoigne de l’ampleur de ses préoccupations.
Un Prix qui les inquiètes
La reconnaissance de l’importance de ses travaux par l’institution du Nobel, loin de le rassurer, amplifie son angoisse. "Nous n'avons aucune expérience de ce que c'est que d'avoir des objets plus intelligents que nous", a-t-il déclaré lors de l'annonce de sa récompense, exprimant une inquiétude partagée par de nombreux experts. Si l'IA promet des avancées considérables dans des domaines comme la santé, Hinton redoute que l’humanité perde le contrôle de sa création. Il imagine un futur proche où les machines, dotées d’une intelligence supérieure à la nôtre, pourraient se retourner contre leurs créateurs, un scénario digne des dystopies hollywoodiennes.
Regardez ce qu'il en était il y a cinq ans et ce qu'il en est aujourd'hui. Pour l'instant, les systèmes d'IA ne sont pas plus intelligents que nous, mais je pense qu'ils le seront bientôt
Selon lui, d’ici cinq à vingt ans, la probabilité d'une IA cherchant à prendre le contrôle de nos vies est significative.
Au cœur des préoccupations de Hinton figure la propagation massive de fausses informations. L'IA, capable de générer des contenus synthétiques de plus en plus réalistes, pourrait inonder internet de faux textes, images et vidéos, rendant impossible pour le citoyen lambda de discerner le vrai du faux.
Cette manipulation de l’information, combinée à la puissance des chatbots, pourrait être exploitée par des "mauvais acteurs" pour influencer l'opinion publique et déstabiliser les démocraties.
La course effrénée à l’innovation entre les géants de la tech, notamment Google et Microsoft, accentue les craintes de Hinton. Il regrette que la compétition ait pris le pas sur la prudence, créant une dynamique difficile à maîtriser. Si Hinton reconnaît le rôle "responsable" joué par Google jusqu'en 2022, il déplore que l’arrivée de ChatGPT et l'intégration de chatbots aux moteurs de recherche aient déclenché une escalade dangereuse. C’est d’ailleurs pour pouvoir s’exprimer librement sur ces dangers, sans être contraint par sa position chez Google, qu’il a choisi de quitter l’entreprise.
L’IA dans la controverse
Au-delà de la désinformation, l’impact de l’IA sur le marché du travail est une autre source d’inquiétude pour Hinton. Si l'automatisation promet de supprimer les tâches pénibles, elle risque également de rendre obsolètes de nombreux emplois, remplaçant les humains par des machines plus efficaces et moins coûteuses. Enfin, la perspective de voir l'IA utilisée pour développer des armes autonomes, des "robots tueurs" capables de prendre des décisions de vie ou de mort sans intervention humaine, est un cauchemar que Hinton ne peut ignorer.
L'attribution du prix Nobel à Hinton et à Demis Hassabis, cofondateur de DeepMind (filiale de Google), pour le prix Nobel de chimie le lendemain, soulève par ailleurs des questions sur la concentration de la recherche en IA au sein des grandes entreprises technologiques. Certains observateurs s'interrogent sur l'influence de ces géants sur l'orientation de la recherche et sur l’accès aux données, éléments essentiels au progrès de l’IA.
Face à ces menaces potentielles, Hinton appelle à une collaboration internationale entre scientifiques afin de trouver des solutions pour contrôler l'IA et en limiter les dangers. Il plaide pour une régulation mondiale, semblable à celle qui encadre l’utilisation de l’énergie nucléaire, afin d’éviter une course incontrôlée à l’armement technologique. Le « parrain de l'IA » espère que son appel sera entendu avant qu'il ne soit trop tard. L’humanité se trouve à un carrefour crucial : saura-t-elle maîtriser l’incroyable puissance qu’elle a créée ou sera-t-elle engloutie par elle ?
Source : jeuxvideo.com
https://www.jeuxvideo.com/news/1940344/l-ia-risque-d-aneantir-l-humanite-le-prix-nobel-geo...
LES ECHOS.FR :
mercredi 6 novembre 2024 - 00:00 Europe/Paris
Le Budget 2025 prévoit la suppression de 500 postes chez France Travail au moment où l'opérateur public doit lancer le
1 er janvier l'inscription automatique des allocataires du RSA et vraisemblablement digérer une nouvelle réforme de l'assurance-chômage.
Pour les syndicats de l'ex-Pôle emploi, « la coupe est pleine ».
Les 500 suppressions de postes inscrites dans le projet de loi de finances pour 2025 ne passent pas chez les syndicats de France Travail.
« La coupe est pleine » pour ses organisations de salariés qui ont tenu une conférence de presse, où pas une ne manquait à l'appel. Elles y ont annoncé le lancement d'une pétition et, pour 8 sur 10 d'entre elles, un appel à la grève le 5 décembre.
« Le personnel n'est déjà pas suffisamment nombreux pour ce qu'on nous demande de faire […]. L'équation est intenable », a insisté
Guillaume Bourdic, de la CGT. S'y ajoute le fait que « la conjoncture est en train de se retourner », ce qui va provoquer « un
surcroît de travail », a complété Vincent Lalouette, de la FSU. Pour les représentants des quelque 54.000 salariés de l'opérateur public,
cette baisse d'effectifs est jugée d'autant plus inacceptable qu'elle va s'accompagner d'une diminution des moyens et d'une augmentation
des missions avec « derrière, une augmentation de la sous-traitance ».
Crainte d'un bug massif
Ils soulignent que la « stabilité » du budget de France Travail affichée par le gouvernement étant en euros courants, elle cache en
réalité une « baisse mécanique ». Et ce, alors même que les deux tiers du financement de l'opérateur proviennent des recettes de
l'Unédic, très sensibles à la situation du marché de l'emploi, qui est en train de se dégrader.
Dans ce contexte, les organisations de salariés voient d'un mauvais oeil se profiler une année salariale blanche, alors que « les agents
ont perdu du pouvoir d'achat puisque, entre 2018 et 2023, il y a eu 5,5 % d'augmentation générale pour 16,3 % d'inflation », a souligné
Natalia Jourdin, de Force ouvrière, ajoutant que « le premier échelon de classification des agents de droit privé, celui des agents
d'accueil, est passé sous le SMIC. »
Les syndicats craignent, en outre, un bug massif dès janvier prochain alors que devrait entrer en vigueur la nouvelle réforme de
l'assurance-chômage (dont la négociation doit s'achever mi-novembre), en même temps que l'inscription automatique des allocataires
du RSA à France Travail assortie de l'obligation de justifier de quinze heures hebdomadaires d'activité. La direction a elle même
chiffré à un petit millier le nombre de postes supplémentaires à temps plein nécessaires pour assurer la montée en charge de la réforme, telle que prévue par la loi, selon nos informations.
« Gare de triage »
Cet énorme chantier inscrit dans la loi pour le plein-emploi du 18 décembre 2023 qui a rebaptisé Pôle emploi doit en effet démarrer
le 1er janvier 2025. Il va « augmenter de 170 à 180 personnes les portefeuilles de demandeurs d'emploi actuellement suivis par les
conseillers », évalue Catherine Laumont, de la CFDT. Elle demande au nom de l'intersyndicale « a minima le report de la réforme » qui
va transformer l'opérateur public en une « gare de triage » entre les différents intervenants : l'opérateur lui-même, les missions locales,
dont le budget est en baisse, les Cap emploi (pour les travailleurs handicapés), les départements, mais aussi les opérateurs
privés de placement et les agences d'intérim, ce que critiquent les organisations de France Travail.
Outre la pétition lancée par l'intersyndicale, le mouvement de grève des syndicats de France Travail le 5 décembre aura valeur de
test sur le climat social. Si la CFDT et la CFE-CGC ne s'associent pas aux autres organisations, qui vont de la CGT au Syndicat des
travailleurs corses, ce n'est pas parce qu'ils le réprouvent mais parce qu'il intervient « un peu trop tôt ».
par Leila De Comarmond
L'ensemble des syndicats de France Travail ont dénoncé mardi le projet de budget 2025 qui prévoit la suppression de 500 postes chez l'opérateur public, estimant que "la coupe est pleine", et la majorité des organisations annoncent une grève le 5 décembre.
L'ensemble des syndicats de France Travail ont dénoncé mardi le projet de budget 2025 qui prévoit la suppression de 500 postes chez l'opérateur public, estimant que "la coupe est pleine", et la majorité des organisations annoncent une grève le 5 décembre.
Lors d'une rare conférence de presse commune, les dix syndicats de France Travail (ex-Pôle emploi) - CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, SNAP, Sud, STC, Unsa - ont fait part de leur "inquiétude" sur les effectifs mais aussi le pouvoir d'achat des quelque 54.000 agents ou le recours accru à l'externalisation, alors que le projet de loi de finances est actuellement examiné au Parlement.
"Nous ne sommes déjà pas suffisamment nombreux (...), avec une conjoncture économique qui est en train de se retourner", a fait valoir un représentant de la FSU, alors que la plupart des économistes s'attendent à une remontée du chômage. Si le gouvernement a mis en avant un financement "stabilisé" pour France Travail à hauteur de 1,35 milliard d'euros, les syndicats soulignent que cela ne prend pas en compte l'inflation, ce qui implique en réalité "une baisse mécanique", selon eux.
Autres sources d'inquiétude mises en avant par les syndicats: la loi "plein emploi", qui prévoit notamment que les allocataires du RSA soient tous inscrits automatiquement à France Travail - ce qui va accroître la charge des conseillers -, et la réforme de l'assurance chômage à venir. Côté salaires, les agents de droit public comme ceux de droit privé sont à la peine, a souligné une élue FO, citant pour ces derniers 5,5% d'augmentation depuis 2018 à rapporter à +16,3% d'inflation.
Pétition Intersyndicale France travail
Nous, agent.es de France Travail, demandons que la Direction Générale et nos tutelles prennent en compte nos revendications légitimes, appuyées par les Organisations Syndicales CFDT, CFE-CGC Métiers de l’emploi, CFTC Emploi, CGT, FO, FSU Emploi, SNAP, STC, SUD Solidaires Emploi et UNSA de France Travail. Nous visons à assurer nos missions de service public dans les meilleures conditions possibles.
• Nous disons NON à la suppression des postes telle que prévue dans le projet de loi de finances 2025 alors même que la loi Plein Emploi confie à France Travail des missions supplémentaires,
• Nous exigeons un Plan de titularisation pour les collègues en contrat précaire qui le souhaitent,
• Nous disons NON au recours massif à l’externalisation et à la sous-traitance de nos missions,
• Nous exigeons une revalorisation des salaires et des traitements avec effet rétroactif au 1er janvier 2024
L’intersyndicale Nationale France Travail
Le Premier ministre envisage de fusionner plusieurs prestations sociales (RSA, allocations chômage, aides de la CAF). Loin d’être nouvelle, l’idée est dangereuse car à budget constant, elle ferait de nombreux perdants.
La politique finalement, c’est un peu comme la chimie. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » C’est le cas de la dernière idée de Michel Barnier au sujet des prestations sociales. Interrogé par La Tribune dimanche le 6 octobre, le Premier ministre a assuré qu’il fallait que le travail paie plus que l’addition des allocations.
Michel Barnier entend ainsi mettre en place une allocation sociale unique (ASU) qui fusionnerait plusieurs prestations sociales1. Le chef du gouvernement a précisé que le chantier pourrait prendre plusieurs années, sans pour autant donner de détails sur les prestations sociales concernées.
Un regard en arrière peut toutefois donner la tendance : en 2022, alors candidat à la primaire des Républicains, Michel Barnier soutenait l’idée de fusionner le revenu de solidarité active (RSA), les allocations chômage ainsi que les autres aides versées par les Caisses d’allocations familiales (Caf) et les Mutualités sociales agricoles (MSA). Dans cette hypothèse, les aides vieillesse (ASPA) et handicap (AAH) étaient exclues de ce regroupement.
D’autres avant lui avaient déjà évoqué déjà l’idée d’une allocation sociale unique. En 2016, sous François Hollande, le député Christophe Sirugue (PS) proposait, dans un rapport, de repenser les minima sociaux et de créer une « couverture socle commune ».
« Mais l’initiative s’inscrivait dans une démarche progressiste, se souvient Timothée Duverger, ingénieur de recherche à Sciences Po Bordeaux et chroniqueur pour Alternatives Economiques. Sirugue accordait par exemple une importance particulière à l’intégration des jeunes [proposant d’étendre le RSA aux 18-25 ans, NDLR]. »
Le rapport Sirugue a finalement fini dans les cartons, mais l’idée d’une fusion des prestations sociales a refait surface avec l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en 2017. Ce dernier défendait l’idée d’un versement social unique (VSU) ou d’un revenu universel d’activité (RUA), et plusieurs rapports avaient été commandés pour imaginer le dispositif.
La philosophie était néanmoins bien différente de Sirugue. Il était surtout question de « simplifier le système » des prestations sociales, de « le rendre plus efficace, plus lisible et plus juste ». Bref, une approche qui ressemblait assez à ce qu’imagine Michel Barnier aujourd’hui.
Le problème, c’est qu’une fusion des prestations sociales comporte des risques pour les bénéficiaires. « Les bases de calcul des ressources et les règles d’attribution des aides ne sont pas les mêmes d’une allocation à l’autre, reprend Timothée Duverger. Or, si vous fusionnez, vous harmonisez les modalités. » Et cette harmonisation, si elle ne s’accompagne pas de la volonté d’aligner vers le haut les allocations, pourrait porter préjudice à certains bénéficiaires.
« Les règles d’attribution des aides ne sont pas les mêmes d’une allocation à l’autre. Or si vous fusionnez, vous harmonisez les modalités » – Timothée Duverger
Des dommages auraient lieu si, par exemple, les personnes qui touchent aujourd’hui l’allocation de solidarité spécifique (ASS)2 basculaient vers une allocation sociale unique aux couleurs du RSA. Il y a quelques mois, Gabriel Attal avait annoncé la suppression de l’ASS, avant de rétropédaler. Or, une telle décision aurait appauvri de nombreux précaires sans emploi (seniors, ouvriers, etc.), comme alertait l’économiste Michaël Zemmour dans nos colonnes.
Michel Barnier ne dit pas sur quelles bases l’allocation sociale unique s’appuierait. Mais de nombreux paramètres créent potentiellement un appauvrissement des bénéficiaires, avertit Anne Eydoux, économiste au Cnam-CEET : « Est-ce que les périodes durant lesquelles les individus bénéficient de cette allocation seraient prises en compte pour la retraite ? » Aujourd’hui, les allocataires de l’ASS valident par exemple des trimestres pour la retraite, mais pour le RSA, ce n’est pas le cas. Qu’en serait-il pour une ASU ?
« Et quelles seront les conditions retenues concernant la conjugalité ? interroge Anne Eydoux. Là aussi, les modalités diffèrent selon les aides aujourd’hui. Il ne faudrait pas que des femmes en couple pâtissent de la fusion des prestations sociales… »
Pour les personnes qui vivent en couple, l’éligibilité à l’ASS est soumise à un plafond de ressources plus élevé que le seuil du RSA. Dans une ASU qui serait alignée sur les règles du RSA, une femme pourrait perdre des droits sociaux si le salaire de son conjoint place le revenu du foyer au-dessus du seuil.
De manière à compenser les pertes que subiraient certains bénéficiaires avec une allocation sociale unique, le gouvernement devrait y accorder des moyens. C’est ce que recommandait Christophe Sirugue dans son rapport.
« Les coûts plus importants que [la couverture socle commune] implique en termes budgétaire et administratif semblent pleinement justifiés, dans la mesure où ils constituent un investissement de long terme. Il est des dépenses que la collectivité peut s’honorer d’assumer », écrivait le député.
« A budget constant en revanche, il y aurait beaucoup de perdants », prévient Timothée Duverger. C’est d’ailleurs ce que montrait une étude de France stratégie en 2018, qui n’a jamais été rendue publique mais que Le Monde s’était procurée. A « enveloppe budgétaire constante », la fusion des prestations sociales3aurait entraîné une baisse de ressources pour 3,55 millions de ménages, indiquait le journal.
Mais à l’heure des restrictions budgétaires, on a du mal à croire que le gouvernement actuel envisagerait d’en tirer des leçons et accepterait d’augmenter les ressources pour mettre en place de manière juste cette ASU.
A défaut d’être bénéfique pour les individus, l’allocation sociale unique de Michel Barnier permettrait d’envoyer un signal politique bien précis : celui de stigmatiser les bénéficiaires des transferts sociaux.
« En mêlant des allocations chômage d’un côté, qui constituent un droit pour lequel les actifs cotisent, et de l’autre côté des prestations, qui relèvent d’une logique de solidarité nationale, le gouvernement fusionnerait deux logiques complètement différentes », pointe ainsi Timothée Duverger.
On peut aussi aisément imaginer que focaliser toute l’attention sur l’ASU serait un moyen d’intensifier les contrôles, contreparties et sanctions autour cette allocation. De quoi accentuer le non-recours aux aides sociales, car les études montrent que la sanction et le contrôle sont loin de mener à plus d’efficacité, mais peuvent au contraire décourager les bénéficiaires potentiels.
Bref, on a du mal à ne pas voir dans la déclaration de Michel Barnier, un pas de plus vers la politique de workfare déjà bien enclenchée par les précédents gouvernements.
Source : https://www.alternatives-economiques.fr/lallocation-sociale-unique-michel-barnier-recycle-une-fausse-bonne-id/00112693
Le nouveau RSA : une bombe sociale à retardement génératrice d’exclusion
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