Le mal-être au travail, l'affaire de tous
Un mal-être au travail peut avoir des conséquences sur la santé du salarié mais aussi sur la performance de l’entreprise. © SALESSE Florian
Stress au travail, épuisement professionnel, conflit entre salariés, agression des usagers, harcèlement… s’invitent trop souvent dans le quotidien de salariés du privé et du public, dans tous secteurs d’activité. La prévention est devenue incontournable.
Troubles de la concentration, du sommeil, irritabilité, nervosité, fatigue importante, palpitations… Selon l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, un nombre grandissant de salariés déclarent souffrir de symptômes liés à des risques psychosociaux.
Explications de ce phénomène qui s’amplifie dans le monde du travail en mutation (complexité des tâches, réduction des temps de repos, individualisation, exigences de la clientèle…) avec Sylvie Cartoux, chargée de mission pour l’Aract Nouvelle-Aquitaine*.
- Les causes.Les risques psychosociaux correspondent à des situations de travail où la personne ressent un mal-être, du stress ou subit des violences internes ou venant de personnes extérieures (clients, usagers…).
« Ils proviennent du rapport à l’objet travail qui devient facteur de contraintes, dans le cas où la personne ne se sent pas compétente, pas assez formée, ou si elle est sous tension en raison d’une organisation, d’un manque de moyens humains, financiers ou matériels… souligne Sylvie Cartoux, psychologue du travail. Ils naissent aussi du rapport aux autres, des relations avec la hiérarchie, les collègues, les clients… On parle beaucoup de harcèlement mais ce sont souvent des conflits que les salariés n’arrivent pas à régler. »
Pour illustrer les cas de violences morales ou physiques, Sylvie Cartoux évoque des pressions faites par un manager sur une personne en CDD « qui devait faire ce qu’il lui demande sans discuter pour espérer un CDI » ; de salariés qui sont bousculés ou à qui on « balance » feuilles ou dossiers au lieu de leur donner ; jusqu’à cet éducateur d’un centre médico-social qui a eu huit dents cassées après avoir tenté de séparer deux jeunes qui se disputaient.
- Les conséquences. Ces situations de travail ont des conséquences sur la santé des salariés, qui peuvent se traduire par des maladies cardio-vasculaires, des troubles musculo-squelettiques, l’anxiété, la dépression, un burn out… voire de suicides. Et elles ont des impacts plus globalement sur l’entreprise, avec des répercussions sur l’ambiance, le moral des collègues, le rendement de l’activité…
« La performance des salariés passe forcément par leur bien-être. En cas de problème, tout le monde y perd, il faut donc jouer collectivement. En France, le coût de ces risques est estimé à 3 milliards d’euros par an, venant des coûts directs (absence, surcharge de travail, arrêt maladie…) et les coûts indirects (perte de marché, casse…). »
- Les solutions.Les risques psychosociaux concernant tous les secteurs d’activité, la loi fait obligation aux employeurs de les évaluer et de planifier des mesures de prévention adaptées.
« Il faut adapter le travail à l’homme ; et cela doit faire partie de la stratégie de l’entreprise. » Si un salarié est en difficulté, « il doit se faire aider, il doit en référer à sa hiérarchie, aux ressources humaines, alerter la médecine de travail, les représentants du personnel… En cas de harcèlement, une enquête doit être ouverte. »
Une entreprise peut également demander de l’aide : « Je suis intervenue dans une structure de 35 personnes suite à un burn out d’un salarié, et d’accumulation d’erreurs et d’engorgements face à un surcroît de charges et de demandes, raconte Sylvie Cartoux. Après un état des lieux, nous avons aidé la société à réorganiser ses services. »
(*) À Brive, la semaine dernière, Sylvie Cartoux a animé une matinée de sensibilisation sur les risques psychosociaux, auprès de 80 professionnels corréziens, organisée par l’Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail avec la Carsat centre ouest, la CCI Corrèze, le Medef, la Sécurité sociale, l’Assurance-maladie.
En chiffres
3 milliards. C’est ce que coûtent, en euros, les risques psychosociaux par an. Une estimation faite en 2007 par l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS).
36 % des salariés ont signalé avoir subi au moins un comportement hostile dans le cadre de leur travail au cours des 12 derniers mois ; 47 % des actifs occupés déclarent devoir se dépêcher ; 33 % disent ne pas éprouver la fierté du travail bien fait ; 24 % craignent de perdre leur emploi. (Sources de l’enquête Conditions de travail 2013 par l’INRS).