Réforme de l’assurance-chômage?: qui sont les chômeurs ?
Alors que le gouvernement lance ce mercredi 7 septembre une réforme de l’assurance-chômage, la notion même de chômage reste floue.Demandeur d’emploi, chômeur, allocataire indemnisé : de qui parle-t-on ?
► Qu’est-ce qu’un chômeur ?
Selon que l’on se fie à l’Insee ou à Pôle emploi, la définition du chômage, et le nombre de personnes concernées, varie fortement : de 2,3 millions de « chômeurs » pour le premier, jusqu’à 6,18 millions de « demandeurs d’emploi » pour le second.
L’Insee se base sur la définition du Bureau international du travail (BIT), plutôt restrictive mais qui permet des comparaisons internationales : est chômeur celui qui est sans emploi, est disponible dans les 15 jours et a activement cherché un emploi le mois précédent (ou en a trouvé un qui commence dans les trois mois). S’y ajoute un « halo autour du chômage » de 1,9 million de personnes, qui soit ne sont pas immédiatement disponibles, soit ne sont pas sans emploi.
Pôle emploi recense quant à lui les personnes inscrites auprès de ses services et les distribue en cinq catégories. La catégorie A – à laquelle on résume souvent les « chômeurs » au sens strict – rassemble les personnes sans emploi tenues d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi : elles étaient 3,17 millions fin juillet.
On y ajoute les personnes qui ont une activité réduite, de plus ou moins 78 heures par mois (catégories B et C, soit 2,27 millions), celles qui sont sans emploi mais ne sont pas tenues d’en chercher un parce qu’elles sont en formation ou malades (catégorie D, 363 700), et celles qui ont un emploi et non tenus d’en chercher car en création d’entreprise ou en contrat aidé (catégorie E, 384 600).
Au total, les cinq catégories de Pôle emploi rassemblent donc 6,18 millions de personnes, dont seules 3,6 millions ont ouvert des droits à l’indemnisation, parmi lesquelles 2,5 millions sont effectivement indemnisées.
► Quel est leur profil ?
Selon l’Insee, les chômeurs sont en majorité des hommes (52 %) et sont plutôt jeunes : 26 % ont moins de 24 ans (tranche d’âge où le taux de chômage s’élève à 16,5 % quand il n’est que de 5,5 % chez les plus de 50 ans). Les classes populaires y sont surreprésentées, puisque l’on compte seulement 3,7 % de chômage chez les cadres contre 11,4 % chez les ouvriers (et jusqu’à 16,7 % pour les ouvriers peu qualifiés).
Le profil des chômeurs indemnisés par Pôle emploi est, lui, légèrement différent, avec une majorité de femmes (51 %) et des jeunes moins nombreux (16 %). Cette dernière différence s’explique par le fait que, n’ayant pas suffisamment travaillé à l’issue de leur formation, les jeunes ont moins ouvert de droits à l’indemnisation. Environ 400 000 chômeurs au sens du BIT (14 %) ne seraient d’ailleurs pas inscrits à Pôle emploi : parmi eux 38 % ont moins de 24 ans.
Autre caractéristique des chômeurs, leur faible niveau de formation : une personne indemnisée par Pôle emploi sur deux n’a pas le bac (et 21 % n’a aucune formation initiale). 39 % des employeurs expliquent d’ailleurs leurs difficultés de recrutement par cette insuffisance de formation. D’où les efforts de formation des chômeurs : Pôle emploi constate que 60 % des demandeurs d’emploi obtiennent un emploi dans les six mois suivant leur sortie de formation.
Enfin, le chômage pèse clairement sur l’état de santé des personnes. Selon l’association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), qui accompagne près de 4 000 demandeurs d’emploi chaque année, 42 % des chômeurs disent être en mauvaise ou très mauvaise santé, leur situation s’étant même dégradée pour 38 % d’entre eux depuis qu’ils sont au chômage.
► Pourquoi sont-ils au chômage ?
Contrairement à une idée reçue, le licenciement n’est pas la première cause du chômage. Seuls 32 % des chômeurs le sont à cause d’un licenciement, contre 44 % à la suite de la fin d’un contrat (CDD, intérim ou contrat d’apprentissage).
Cette statistique, qui se base sur les personnes indemnisées par Pôle emploi, ne prend toutefois pas en compte les chômeurs qui n’ont jamais travaillé et sont souvent les grands absents des statistiques, notamment les jeunes qui cherchent un emploi après leur formation initiale.
Selon l’Insee, en 2021, 11,7 % des chômeurs n’avaient jamais travaillé, taux qui s’envole à 31,4 % chez les 15-24 ans. Selon l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), seuls 57,5 % des jeunes sortis de formation en 2013 auraient d’ailleurs connu un accès durable à l’emploi, les autres ayant subi une période plus moins longue de chômage, ou dû reprendre une formation.
De l’autre côté de la pyramide des âges, 28 % des 1,4 million de seniors de 53 à 69 ans « ni en emploi ni à la retraite » sont au chômage, leur nombre ayant triplé depuis 2008 et le début des réformes repoussant l’âge du départ à la retraite. Un tiers pense qu’ils ne trouveront pas de travail malgré leurs recherches et 10 % estiment même qu’« il n’y a pas d’emploi » pour eux.
► Depuis combien de temps sont-ils au chômage ?
Les chômeurs inscrits à Pôle emploi perçoivent en moyenne une indemnisation sur une période d’environ quinze mois. Une bonne partie d’entre eux retrouvent toutefois du travail avant, en moyenne au bout de dix mois.
Ainsi, les demandeurs d’emploi de catégorie A, B et C sont inscrits à Pôle emploi depuis 351 jours en moyenne. Toutefois, il faut distinguer la durée d’inscription qui est remise à zéro chaque fois qu’un chômeur retrouve un emploi (même de façon temporaire), et l’ancienneté d’inscription, qui s’élève en moyenne à 680 jours.
Selon l’Insee, 638 000 chômeurs (28 % du total) sont au chômage depuis plus d’un an et considérés comme « chômeurs de longue durée ». Durant la crise sanitaire, leur nombre est reparti à la hausse et ce sont plus que jamais eux qui ont le plus de difficulté à retrouver un emploi.
« Plus on est en recherche d’emploi depuis longtemps, plus on cumule les difficultés à retrouver un emploi car on perd le rythme, explique Jean-Paul Domergue, responsable du plaidoyer de SNC. En s’éloignant de l’emploi, en ayant de plus faibles ressources, on s’organise autrement et, à la longue cela renforce les difficultés à répondre facilement aux besoins de recrutement. » Selon SNC, 55 % des chômeurs sont au chômage depuis plus de dix mois et 33 % sont inscrits à Pôle emploi depuis plus de deux ans.
► Quelle indemnité reçoivent-ils ?
Les chômeurs indemnisés par Pôle emploi reçoivent une allocation moyenne de 960 €. Il faut néanmoins faire une différence entre ceux qui n’occupent aucun emploi et ceux qui cumulent chômage et emploi. Les premiers perçoivent une indemnité moyenne de 1 070 €, tandis que l’indemnité moyenne des seconds s’élève à 720 €, auxquels s’ajoute un salaire net moyen de 760 €, soit un revenu moyen de 1 480 € (à peu près équivalent au smic cumulé à la prime d’activité).
Ces chiffres ne prennent toutefois pas en compte la dernière réforme de l’assurance-chômage et ses nouvelles règles d’indemnisation entrées en vigueur le 1er décembre dernier. Alors même que le gouvernement lance ce mercredi 7 septembre une nouvelle réforme du chômage, l’Unédic n’est pas en mesure d’évaluer l’impact de la précédente sur les chômeurs.
Le patronat met régulièrement en cause « un comportement rationnel d’optimisation des règles » de l’indemnisation par certains chômeurs qui ferait, comme le répétait fin août le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux, que « ne pas travailler est financièrement plus intéressant que travailler ». À l’en croire, ceci expliquerait les difficultés de recrutement des entreprises dont la première cause serait le manque de candidats, devenus plus exigeants depuis la crise sanitaire, les trois quarts des recruteurs reconnaissant que les conditions de travail ou de rémunération peuvent décourager les candidats potentiels.
« Les comportements de calcul vis-à-vis de l’indemnisation apparaissent rares et ont une portée limitée en raison de l’impossibilité pour de nombreux allocataires d’anticiper précisément leurs revenus (du travail comme de l’indemnisation) », notait néanmoins une étude publiée sous l’égide du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) en mai 2021.
« Hormis quelques cas particuliers – les extras de la restauration ont ainsi conscience du fait qu’ils ne doivent pas accepter de mission trop courte si c’est la seule de la journée, au risque de voir leur salaire journalier de référence diminuer ; il s’agit de connaissances qui se transmettent entre collègues –, personne n’a refusé un emploi du fait de l’indemnisation », complétait au même moment le service des études du ministère du travail.
► Comment sortent-ils des chiffres du chômage ?
La première cause de la baisse du chômage est… que les chômeurs retrouvent du travail. Au premier trimestre 2022, un peu plus d’un million de chômeurs des catégories A et B ont ainsi retrouvé un emploi d’un mois ou plus. Ils ne quittent toutefois pas tous les statistiques de Pôle emploi. Si 35 % ont trouvé un emploi durable (CDI ou CDD de plus de six mois), 23 % sont dans un contrat de un à six mois, et un tiers a basculé dans la catégorie C (avec un emploi de plus de 78 heures par mois).
Il est donc plus probant de se pencher sur les sorties des chiffres de Pôle emploi. Selon celles-ci, au second trimestre 2022, 93 800 chômeurs sont sortis des statistiques grâce à une reprise d’emploi, tandis que 64 400 ont entamé un stage ou une formation. 47 000 autres ont arrêté leur recherche d’emploi à cause d’une maladie, d’une maternité ou parce qu’ils ont liquidé leur retraite.
Mais la principale cause de ces sorties – et qui fait couler le plus d’encre – est la radiation « pour défaut d’actualisation ». Avant le 15 de chaque mois, les demandeurs d’emploi doivent en effet actualiser leur situation auprès de Pôle emploi, sous peine d’être radiés. Si certains oublient cette démarche, une étude menée en 2018 par le ministère du travail montrait que 54 % d’entre eux n’avaient pas actualisé leur situation parce qu’ils avaient trouvé un emploi (parfois sans passer par Pôle emploi).
Ce serait aussi le cas pour 30 % des 51 200 « radiations administratives » concernant les personnes radiées dans le cadre des 350 000 à 400 000 contrôles réalisés chaque année par 600 agents dédiés, soit de manière aléatoire, soit sur des personnes signalées par leurs agences parce qu’elles n’ont pas répondu à des convocations.
Les radiations de personnes n’ayant pas répondu à une « offre raisonnable d’emploi » sont quant à elles rares, en particulier parce que le code du travail précise que cette offre de travail doit respecter « la nature et les caractéristiques de l’emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu, tels que mentionnés dans le projet personnalisé d’accès à l’emploi » (article L5411-6-2).
Selon SNC, si 50 % des demandeurs d’emploi ont déjà refusé une offre d’emploi, c’était dans 45 % des cas à cause de la situation géographique de l’emploi proposé, 35 % parce que le secteur d’activité ne correspondait pas, 20 % parce que l’emploi était sous-qualifié et 26 % parce que la rémunération était trop faible.
Un projet de loi, deux objectifs
Le conseil des ministres examine ce mercredi 7 septembre un projet de loi sur l’assurance-chômage. Le texte poursuit un double objectif. Le premier, technique, vise à proroger les règles d’indemnisation du chômage issues de la réforme de 2019 : entrées tardivement en vigueur le 1er décembre dernier après une longue bataille juridique des syndicats, elles seront caduques dès le 31 octobre. Le gouvernement veut les proroger d’un an et profiter de cette période – c’est le second objectif de ce texte – pour ouvrir une négociation avec les partenaires sociaux sur de nouvelles règles d’indemnisation.
Estimant que les difficultés actuelles de recrutement des entreprises sont liées à une indemnisation trop généreuse des chômeurs (qui préféreraient rester au chômage qu’occuper un emploi), il souhaiterait mettre en place un modèle modulant l’indemnisation en fonction de la situation du marché de l’emploi, comme au Canada.
« Quand ça va bien, on durcit les règles et, quand ça va mal, on les assouplit », résumait fin août devant les patrons du Medef le ministre du travail, Olivier Dussopt, qui, s’il soutient la réforme, doute d’un accord avec les syndicats et presse le gouvernement d’avancer seul.
Le gouvernement y est prêt mais l’U2P (Union des entreprises de proximité) estime que ce serait « remettre directement à l’État les clés de l’assurance-chômage », aujourd’hui gérée par le patronat et les syndicats. Qui entend justement ouvrir rapidement une autre négociation sur la gouvernance du système.