Pôle emploi perd le contrôle sur les offres de travail
Pôle emploi perd le contrôle sur les offres de travail
Des offres de travail en quatre exemplaires ou illégales. Hier en comité central d’entreprise (CCE) de Pôle emploi, la CGT et le SNU ont tiré la sonnette d’alarme sur ce problème en recrudescence.
Depuis juin 2015, les agrégateurs d’offres d’emploi – comme Keljob ou Option carrière – peuvent déposer directement leurs annonces sur le site Internet pole-emploi.fr. Si des couacs existaient déjà, la tendance s’aggrave, selon les syndicats. Comme l’explique Jean-Pierre Antoine, secrétaire de la CGT chômeurs rebelles du Morbihan, « jusqu’ici, il y avait des agents chargés du contrôle de ces offres d’emploi. La vérification humaine a depuis été remplacée par un logiciel informatique qui filtre les annonces par mots clés ».
Un conseiller qui souhaite rester anonyme raconte : « J’étais en rendez-vous avec un demandeur d’emploi, en cherchant parmi les offres je suis tombé quatre fois sur le même travail de secrétaire polyvalente. Pas plus tard qu’hier, j’ai trouvé sur une offre de peintre en CDI, j’ai cliqué sur le site de l’agrégateur, cela m’a renvoyé vers le site pole-emploi.fr mais le contrat n’était plus que de 15 jours ! Beaucoup de collègues rencontrent ces problèmes. »
Des abus qui conduisent à la dégradation des offres d’emploi
Autre dérive, sur le site, des missions d’intérim sans précision de durée, seulement « courte » ou « longue », sont publiées. Ce qui est illégal au regard de l’article L.5331-3 du Code du travail, qui stipule que les offres d’emploi ne peuvent contenir des mentions fausses ou susceptibles d’induire en erreur. Des propositions de jobs avec un périmètre géographique flou ont aussi été répertoriées. Par exemple, seulement le département Côte-d’Or était signalé à la place de Dijon. Des abus qui conduisent à la dégradation des offres d’emploi.
Pour les syndicats, la montée en puissance des agrégateurs pour alimenter pole- emploi.fr a favorisé ce phénomène. Trois partenariats existaient en 2013 contre soixante-dix-huit aujourd’hui, avec ces plateformes qui diffusent beaucoup de propositions de travail temporaire. Résultat, 150 000 offres au total étaient visibles en ligne il y a un an sur le site de Pôle emploi, elles sont 500 000 aujourd’hui. Dans les faits, la même offre d’emploi peut se retrouver sur plusieurs agrégateurs différents, entraînant ensuite les fameux doublons sur pole-emploi.fr.
« En CCE, le directeur général a botté en touche sur cette question, explique Emmanuel M’hedhbi, du bureau du SNU-Pôle emploi. Nous avons par exemple trouvé une proposition d’emploi en CDI dans une boulangerie, mais quand on clique, il s’agit en fait de reprendre la boutique ! »
Ce champ libre laissé aux agrégateurs s’inscrit dans l’accélération de l’automatisation de la récolte des offres d’emploi et la dématérialisation du suivi des chômeurs, utilisées par l’opérateur public pour augmenter sa rentabilité. « La direction veut simplifier le dispositif pour les employeurs parce que Pôle emploi est notamment concurrencé par le Bon Coin, poursuit Emmanuel M’hedhbi. Ça nous met dans une logique de rentabilité absurde. Depuis la fusion ANPE-Assedic en 2008, les conseillers, par manque de temps, ont moins prospecté envers les entreprises pour collecter des offres. Nous récoltons aujourd’hui les fruits de cette politique. »
La recrudescence d’annonces sur pole-emploi.fr a aussi son revers
Du côté de Pôle emploi, la direction minimise clairement ces dérives : « On rencontre peu cette problématique, affirme un porte-parole de l’organisme. 250 000 offres proviennent de partenaires sur le site Internet, dire qu’il n’y a pas de difficultés est illusoire. On estime que 25 % des offres sont en doublon. »
La recrudescence du dépôt d’annonces sur pole-emploi.fr a aussi son revers. Le total de 500 000 offres d’emploi disponibles n’est pas à mettre entre toutes les mains. Sans tenir compte de la qualité des annonces et des possibles doublons, ces statistiques pourraient être dévoyées pour stigmatiser les chômeurs feignants et justifier, de fait, leur flicage. Pôle emploi a d’ailleurs mis le paquet sur son dispositif de contrôle systématique de plus de 180 000 demandeurs d’emploi. Alors que des études confirment que 84 % d’entre eux sont bien en quête d’un travail, depuis le mois de septembre, deux cents agents ont été affectés à cette pénible tâche dans toute la France. Autant de moyens qui pourraient être dédiés à la vérification des offres d’emploi.
http://www.humanite.fr/pole-emploi-perd-le-controle-sur-les-offres-de-travail-582801