Pôle Emploi : «On ne s’y prendrait pas mieux pour tuer un service public»
Ce n’est pour l’heure qu'un bruit de fond, mais, déjà, le «dégraissage» de l’agence, évoqué dans la presse ce mardi, hérisse les syndicats. Pour Jean-Charles Steyger, de la FSU, l’enjeu ne se limite pas à la question des effectifs.
Secoués par les informations publiées mardi par le Parisien sur un probable «dégraissage» massif à Pôle Emploi, avec des milliers de postes supprimés, les syndicats préparent la riposte, explique Jean-Charles Steyger, secrétaire général de la FSU Pôle Emploi. Mercredi, ils se réuniront en intersyndicale pour exiger un démenti de leur direction générale.
Le gouvernement cherche à faire des économies. Les salariés de Pôle Emploi vont-ils faire partie des grands sacrifiés du budget 2018 ?
On n’a aucune info, on a appris ça entre la biscotte et le café, mardi matin, en lisant la presse… Certes, depuis quelque temps, on sent bien que des choses se préparent. Quand la ministre du Travail a annoncé, il y a quelques mois, qu’elle ne commenterait plus les chiffres du chômage publiés chaque mois par Pôle Emploi, on a eu quelques inquiétudes, notamment pour le service statistiques, qui semble aujourd’hui dans le viseur. La semaine dernière, lors d’un comité central d’entreprise, nous avons interrogé la direction sur notre avenir. Mais on nous a juste répondu qu’il n’y avait rien de particulier. Sauf que, quelques jours plus tard, la ministre annonce qu’il y aura bien une réduction d’effectifs à Pôle Emploi, car le chômage baisse. Ce que semble confirmer notre direction, même si elle évoque des licenciements réduits. Or, depuis huit ans, le nombre de chômeurs n’a cessé d’augmenter et on nous a toujours dit qu’on ne pouvait rien faire en termes d’effectifs. Comme quoi, ça ne marche que dans un sens…
L’autre danger qui plane sur Pôle Emploi, c’est celui de la privatisation… Mais l’agence n’a-t-elle pas déjà cédé aux sirènes du privé ?
Non, aujourd’hui, rien n’est privatisé à Pôle Emploi, mais plusieurs missions sont sous-traitées, notamment une partie de l’accompagnement des chômeurs. Là aussi, nous ne serions qu’à moitié surpris par un tel projet. La nomination au ministère de l’Economie de Bruno Le Maire qui, pendant la primaire de la droite, s’était prononcé en faveur de la privatisation de Pôle Emploi, nous avait alertés. On sait bien que la politique de Macron, c’est l’ultralibéralisme. Une politique qui vise à tout libéraliser, que ce soit l’école ou l’accompagnement des chômeurs. Mais pourquoi démonter un outil qui fonctionne ? Nous avons de bons résultats, notamment pour l’accompagnement et la formation.
Cela n’a pas toujours été le discours des syndicats, souvent prompts à critiquer les décisions de l’agence…
Ce sont les politiques publiques que nous dénonçons régulièrement, celles qui visent un traitement purement statistique du chômage. Mais pas le travail des agents. En termes de placement des chômeurs, on fait deux fois mieux et un peu moins cher que le privé. Mais la libéralisation du placement, c’est un marché juteux de près d’un milliard d’euros…
Quelles pourraient être les conséquences d’une telle décision ?
Nous sommes bien sûrs inquiets pour l’emploi à Pôle Emploi. D’autant que 90% des agents sont aujourd’hui sous contrat de droit privé et qu’il sera plus facile de les licencier avec les nouvelles ordonnances Pénicaud. Mais l’enjeu est aussi celui du service public. Demain, si on s’oriente vers un modèle anglo-saxon privé, les plus faibles risquent d’être oubliés. Les entreprises qui seront payées aux résultats ne vont pas s’embêter avec ceux qui seront les moins employables. L’universalité du service public est donc en jeu, et tout cela pour des raisons purement technocratiques, de budget. On ne s’y prendrait pas mieux pour tuer un service public ! Mais le moment est à la riposte. Dès demain, nous allons nous réunir en intersyndicale. Vendredi, un nouveau comité central d’entreprise est prévu. Et il risque d’être un peu secoué.