La Cour des comptes tacle Pôle emploi sur ses services numériques
Syndicats et patronat appuient les recommandations de la Cour des comptes sur les très nombreux services numériques déployés par l'opérateur public dont l'efficacité est contestée.
Par Alain Ruello
Publié le 25 févr. 2020 à 10h06 Mis à jour le 25 févr. 2020 à 10h31
Tout en reconnaissant dans son rapport annuel l'importance du virage numérique entrepris à compter de 2012, la Cour des comptes n'en trouve pas moins matière à redire sur l'efficacité des moyens déployés par Pôle emploi. Elle est soutenue dans sa critique par le financeur numéro un de l'opérateur public : l'Unédic.
Pour les magistrats financiers, il est indéniable que l'opérateur public a fait du numérique « le principal levier de la mise en oeuvre de ses objectifs stratégiques », avec d'importants gains de productivité à la clé permis notamment par l'inscription 100 % en ligne.
Las, ces gains de productivité n'ont pas permis de « mesurer précisément les moyens d'accompagnement redéployés au profit des demandeurs d'emploi les plus en difficulté alors qu'il s'agit pourtant d'une des priorités de sa stratégie digitale ». Qui plus est, la détection des personnes peu ou pas à l'aise avec le numérique laisse à désirer.
Démenti de Jean Bassères
Enfin, « l'emploi store » - le magasin aux plus de 300 applications Web de Pôle emploi - souffre d'embonpoint (les cinq services les plus utilisés captant les trois quarts des visites). Ce qui amène la Cour à s'interroger sur l'efficacité de tous ces services, autant vis-à-vis des demandeurs d'emploi que des entreprises, recommandant de faire le ménage.
A tout cela, Jean Bassères, le directeur général de Pôle emploi, oppose des démentis plus ou moins appuyés. Il « regrette » le bilan de la Cour sur l'emploi store (dont le « foisonnement […] est consubstantiel à sa philosophie »), chiffres à la clé démontrant que l'outil répond à un vrai besoin. Tout comme il réfute (là encore chiffres à l'appui) l'incapacité de l'opérateur à quantifier les redéploiements vers les chômeurs qui ont le plus besoin d'aide. Et de rappeler que l'obligation de résultat à laquelle il est soumis ne se limite pas à la satisfaction de ses usagers, mais aussi au retour à l'emploi.
Un partout, la balle au centre ? Deux à un plutôt pour la Cour des comptes, car dans sa réponse au rapport, l'Unédic - par la plume de sa présidente CFDT Patricia Ferrand (remplacée depuis peu par Eric Le Jaouen du Medef) - affirme en partager les constats.
Manque de transparence
En premier lieu, syndicats et patronat insistent eux aussi sur la nécessité d'un dépistage plus précoce des chômeurs touchés par l'illectronisme. Ce d'autant plus que l'expérimentation du journal de recherche d'emploi a vocation à concerner l'ensemble des inscrits dans leur démarche mensuelle d'actualisation, arguent-ils.
Même soutien pour la recommandation de la Cour « d'évaluer plus largement » les services en ligne pour « mettre l'accent sur ceux qui se montrent efficaces en matière de retour à l'emploi ».
Le coup de grâce est pour la fin : rappelant que l'Unédic assure 70 % de son budget, les partenaires sociaux estiment que tout irait mieux si Pôle emploi sortait de sa tour d'ivoire. « Les stratégies d'investissement sur le champ de l'assurance-chômage, notamment dans le numérique ainsi que l'analyse des gains de productivité et leur réaffectation devraient faire l'objet d'une plus grande transparence et d'un pilotage plus étroit avec ses financeurs », écrit Patricia Ferrand.
Alain Ruello
Le rapport complet de la cour des comptes sur les services numériques à Pôle emploi