Budget 2025 : l’austérité pour tous plutôt que les hausses d’impôts pour les riches !

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Le gouvernement a présenté hier le budget de la France pour 2025. Les faibles hausses de recettes qu’il prévoit le contraignent à proposer des coupes budgétaires qui menacent l’avenir du pays.

Un budget en dit toujours beaucoup sur la philosophie du gouvernement qui le présente. Celui qui a été présenté hier à Bercy pour l’année 2025 sans doute encore plus que d’habitude. Après le dérapage des comptes publics de l’année 2024 – le déficit de la France devrait atteindre 6,1 % à la fin de l’année, contre 4,4 % prévu initialement – n’importe quel gouvernement arrivé aux affaires se serait sans nul doute attaqué à redresser la barre. Sans quoi, le déficit aurait atteint 7 % en 2025.

Mais tous n’auraient assurément pas fait les mêmes choix pour y arriver. Quels sont ceux du gouvernement de Michel Barnier ? Pour revenir sous 3 % de déficit en 2029, la première marche consiste à viser 5 % l’année prochaine. Elle est déjà difficile à gravir : il faut économiser pour cela 2 % du produit intérieur brut (PIB), soit 60 milliards d’euros.

Le tiers de l’effort (20 milliards d’euros), viendra de hausses de recettes et les deux tiers restants (40 milliards), de baisses de dépenses. « C’est par la hausse de la dépense que nos finances publiques se sont dégradées, aussi est-ce d’abord et prioritairement par une baisse de la dépense que devra passer l’effort de redressement », a justifié le ministre du Budget et des comptes publics Laurent Saint-Martin hier, feignant d’oublier que la dégradation tient aussi aux près de 60 milliards d’euros de baisses d’impôts consenties depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017.

 

Par qui vont être faites les économies ? 20 milliards par l’Etat via ses ministères, tous n’étant pas logés à la même enseigne. Aux 15 milliards déjà actés par Gabriel Attal lorsqu’il était Premier ministre doivent encore s’ajouter 5 milliards d’euros restant à définir au cours du débat parlementaire qui s’ouvre. L’exécutif a prévenu : il cherchera à préserver les ministères régaliens (justice, intérieur). En plus de l’Etat, 15 milliards d’économies seront demandées à la Sécurité sociale et 5 aux collectivités locales.

Le fardeau est donc loin de peser uniquement sur les plus aisés, comme tente de le faire valoir l’exécutif. Des hausses d’impôts sur les grandes entreprises et les ménages les plus riches sont certes annoncées. Mais elles souffrent de nombreuses limites et leur caractère temporaire a été rappelé à maintes reprises. « Même si l’outil fiscal est nécessaire à court terme (…), nous conservons notre doctrine en maintenant une politique de l’offre », a résumé Antoine Armand, ministre de l’Economie et des finances. Cette stratégie peut-elle au moins porter ses fruits ? Rien n’est moins sûr, car l’effort à réaliser est d’une telle ampleur tel qu’il risque de plomber l’activité, donc in fine les recettes fiscales.

La philosophie du budget étant désormais connue, la guerre budgétaire va désormais se jouer à chaque ligne du texte et à chaque virgule, le tout à grand renfort d’amendements. Nous vous proposons une première plongée dans le maquis budgétaire pour repérer les 10 principaux terrains d’affrontement de l’automne.

Aude Martin
 

1/ Fiscalité des entreprises : des hausses temporaires qui ne compensent pas les précédentes baisses pérennes

 

En annonçant les hausses d’impôts pour les entreprises, le ministre de l’Economie a insisté sur leur caractère temporaire. Beaucoup de pincettes pour une hausse de la fiscalité des entreprises qui atteint à peine 10 milliards d’euros.

Les nouvelles mesures ciblent uniquement les plus grandes entreprises, dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros, soit 440 groupes selon Bercy. Leur taux d’impôt sur les sociétés (IS) sera majoré pendant deux ans. Une majoration plus forte la première année, générant 8 milliards de recettes en 2025, avant seulement + 4 milliards en 2026. Deux tranches de surtaxe sont instaurées : l’une entre 1 et 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires et l’autre au-delà de 3 milliards.

Les sociétés du transport maritime, non assujetties à l’IS, seront quant à elles soumises à une taxe exceptionnelle de 9 % en 2025 puis 5,5 % en 2026. Le gain pour les finances publiques est estimé à 500 millions d’euros l’année prochaine.

Cependant, leur niche fiscale, la « taxe au tonnage », est épargnée. Le manque à gagner pour l’Etat était pourtant estimé à 3,81 milliards d’euros en 2022. Le budget Barnier ne rabote pas non plus le crédit d’impôt recherche (CIR), malgré son coût de 7,6 milliards d’euros en 2024 pour des résultats décevants.

La taxe sur les rachats d’actions voit, par contre, enfin le jour. Mais elle ne rapportera que 200 millions d’euros par an. Pour cause, son taux de 8 % aura pour base la valeur nominale de l’action fixée au moment de l’entrée en Bourse de la société plutôt que sa valeur réelle au moment du rachat, qui est en général bien plus élevée. C’est cette seconde option qui a été choisie par les Etats-Unis.

Enfin, la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), est reportée de trois ans. Economie attendue : 1,1 milliard d’euros l’année prochaine. Mais il ne faut pas y lire le signe d’une inflexion politique : « Je n’ai pas changé d’avis sur cet impôt qui pénalise en particulier notre industrie », a insisté Antoine Armand.

Juliette Le Chevallier

 

2/ La justice fiscale au rabais

La promesse phare du nouveau Premier ministre Michel Barnier de proposer un budget de « justice fiscale » n’est pas tenue. Le gouvernement a pourtant une bonne idée : il instaure pour les très hauts revenus (plus de 250 000 euros pour un célibataire, 500 000 euros pour un couple) un taux d’imposition minimum de 20 % de leur revenu fiscal de référence (qui ajoute les revenus du capital à ceux du travail). Pour celles et ceux dont le taux est inférieur, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus – une surtaxe de 3 à 4 % en place depuis 2012 et payée aujourd’hui par environ 65 000 personnes – sera accrue pour arriver au taux minimal d’imposition.

Proposer un tel taux plancher va a priori dans la bonne direction puisque cela limite le recours à l’optimisation fiscale. Mais cela ne suffira pas tant les très riches rivalisent de techniques pour réduire leur revenu fiscal. Imposer un niveau minimal de taxation d’un revenu optimisé ne va pas assez loin. D’ailleurs, Bercy n’en attend que 2 milliards de recettes l’an prochain.

Comme on le signalait déjà ici, si cette taxation supplémentaire qui va porter sur les revenus de trois années (2024-2025-2026) peut freiner un peu l’enrichissement des très riches, leur fortune continuera à croître plus vite que les salaires, de quoi faire augmenter les inégalités.

Une véritable justice fiscale aurait consisté à taxer non pas les flux de revenus mais le stock de patrimoine des plus riches. Selon l’économiste Gabriel Zucman, qui s’exprimait sur le réseau social X, « on pourrait par exemple dire que les contribuables avec plus de 50 ou 100 millions de patrimoine devraient payer en impôt sur le revenu l’équivalent d’au moins 2 % de leur fortune. Cet impôt rapporterait 15 à 25 milliards [d’euros par an] ». Une telle mesure serait à la hauteur des enjeux budgétaires actuels et permettrait une vraie justice fiscale. Ce n’est pas la voie empruntée par le gouvernement.

Christian Chavagneux

 

3/ Cotisations sociales sur les bas salaires : un petit changement historique

Quand un rapport attendu, rendu à l’automne, sous-entend indirectement qu’on peut gagner quelques milliards à peu de frais, il est rare qu’il ne soit pas suivi d’effets dans le budget. Ainsi, après la publication, il y a quelques jours, d’une étude consacrée aux exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, le gouvernement entend les réviser.

Comme nous l’expliquions en début de semaine, ce rapport constitue une rupture. Alors que depuis 30 ans, les gouvernements successifs avaient multiplié les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires pour inciter à la création d’emplois, les deux économistes chargés du rapport suggéraient de revenir en arrière en augmentant (un peu) le prix du travail au niveau du salaire minimum et en lissant les exonérations jusqu’à des salaires équivalents à 2,5 fois le Smic. L’objectif : inciter les employeurs à augmenter les salaires qui sont proches du Smic.

Le gouvernement reprend cette logique. Mais contrairement au rapport qui présentait un scénario à budget constant, la copie de l’exécutif permet de faire des économies : elle permettra de récupérer 4 milliards d’euros l’année prochaine car les cotisations versées par les employeurs augmenteront.

Concrètement, « les exonérations de cotisations patronales baisseront légèrement au niveau du Smic, de 2 points en 2025 et de 2 points supplémentaires en 2026, jusqu’à 1,3 Smic. Elles seront ensuite renforcées entre 1,3 et 1,8 Smic. Elles baisseront au-delà, pour s’éteindre à 3 Smic », peut-on lire dans le document fourni par Bercy.

Pour l’économiste Nicolas Da Silva« cette réforme va dans le bon sens, mais on reste loin du compte ». Les exonérations de cotisation coûtent en effet très cher aux caisses publiques (autour de 80 milliards d’euros par an). Par ailleurs, le gouvernement a choisi de maintenir certaines exonérations jusqu’à 3 Smic, alors que des travaux montrent que les baisses de cotisations créent peu d’emplois au-delà de 1,6 Smic.

Audrey Fisné-Koch
 

4/ Les retraités les plus modestes seront mis à contribution

L’annonce n’a rien d’une surprise et sauf à être retoquée lors du débat parlementaire – ce qui serait encore moins une surprise compte tenu du poids électoral des retraités pour la droite –, le gel des pensions sera acté pendant six mois. Concrètement, il s’agit de décaler l’indexation des retraites sur l’inflation du 1er janvier 2025 au 1er juillet 2025. Le gouvernement compte ainsi, grâce à cette ponction temporaire sur 17 millions de retraités, économiser 3,6 milliards d’euros.

Economiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Pierre Madec a fait tourner un modèle de micro-simulation et a pris deux hypothèses d’inflation, l’une à 2,1 % et l’autre 1,8 %. Le gain serait respectivement de 3,4 et 3,9 milliards d’euros pour les caisses de l’Etat. En valeur absolue, les retraités proches du niveau de vie médian perdraient 300 euros en moyenne par an quand les plus riches contribueraient à hauteur de 450, voire 500 euros selon les scénarios.

Mais ce sont en réalité les plus modestes qui devront le plus se serrer la ceinture. « Les pensions de retraite de base pesant moins dans le revenu disponible des retraités les plus aisés, l’impact du décalage d’indexation serait moindre pour les retraités appartenant au 10 % les plus riches », explique ainsi Pierre Madec. Les 5 % de retraités les plus pauvres verraient leur niveau de vie amputé de 1 %, contre 0,5 % pour les 5 % les plus aisés.

Les retraités doivent-ils participer à l’effort collectif ? Le débat agite depuis longtemps les cercles politiques et économiques. Mais s’il y avait éventuellement une fenêtre de tir pour instaurer une taxe progressive sur les retraités ces dernières années, elle vient de se refermer. Le niveau de vie des retraités, y compris les propriétaires, est désormais inférieur à celui des actifs. Et selon les projections du Conseil d’orientations des retraites, le décrochage du niveau de vie des pensionnés par rapport à celui des générations qui travaillent est bien engagé.

Sandrine Foulon

 

5/ Coup de rabot sur les politiques de l’emploi

Coup dur pour la mission travail et emploi ! « Nous allons continuer de soutenir les dispositifs de l’emploi », a voulu rassurer le ministère du Travail, après la présentation du budget. Oui, mais pas tous et surtout, pas autant qu’avant. Dans un contexte où le « taux de chômage est bas », dixit le gouvernement, les politiques de l’emploi se retrouvent amputées de 2,5 milliards d’euros pour 2025 (soit - 10 % par rapport à 2024 !)

Quelques dispositifs échappent à la tondeuse : le nombre de places financées dans des structures d’insertion par l’activité économique (IAE) ou des entreprises adaptées (EA) – pour les personnes en situation de handicap – est maintenu. Epargnée aussi l’expérimentation territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), qui se poursuit.

Du côté des « perdants » par contre, le gouvernement choisit de supprimer les emplois francs, dont bénéficient les habitants des quartiers prioritaires de la ville (QPV). Les contrats aidés voient également leurs moyens diminuer, même si pour l’heure, aucune précision n’a été communiquée sur l’ampleur de la baisse.

Quant à l’apprentissage, il sera ajusté. Le gouvernement ne précise pas encore comment, mais l’aide de 6 000 euros dont bénéficient les entreprises lors de l’embauche d’un apprenti sera revue. L’ajustement devrait permettre une économie de 1,2 milliard d’euros, « d’autant que le nombre d’apprentis devrait se stabiliser en 2025 », complète le ministère, justifiant par la même occasion la diminution de la subvention attribuée à France compétences (- 500 millions d’euros), qui finance les formations.

Si la politique menée sur l’apprentissage se trouvait au cœur de nombreuses critiques dernièrement (effets aubaine, coût important, insertion vers l’emploi décevante), s’attaquer aux emplois francs et aux contrats aidés envoie un mauvais message. Les effets peuvent être discutés concernant le premier dispositif, en raison d’effets d’aubaine, mais les contrats aidés ont largement fait leurs preuves.

A. F-K.
 

6/ Education nationale : coup de bambou sur les postes

Faire mieux (améliorer le taux d’encadrement) avec moins (4 000 postes de professeurs supprimés, dont plus de 3 000 dans le primaire) : voilà le tour de force auquel s’engage le gouvernement Barnier. L’exécutif prend prétexte de la baisse démographique pour opérer une ponction d’une ampleur inédite depuis 15 ans dans les effectifs enseignants de l’Education nationale.

Effectivement, après avoir atteint un pic en 2015 à 6,776 millions, les effectifs du premier degré sont en baisse sensible et devraient passer sous la barre des six millions en 2028. Reste que, malgré la politique de dédoublement des classes, la France est l’un des pays qui, en Europe, a les classes les plus chargées, au primaire comme au collège. L’occasion est donc manquée de profiter de la conjoncture démographique favorable pour quitter cette place de cancre des systèmes éducatifs. « L’école, voilà qui restera la priorité », avait pourtant clamé Michel Barnier dans son discours de politique générale…

La contradiction est d’autant plus flagrante que la diminution du nombre d’enseignants est déjà sensible depuis 2018. Entre cette date et 2022, le premier degré a perdu près de 3 000 postes et le secondaire… plus de 8 000 !

Pour faire bonne mesure, le PLF 2025 prévoit tout de même le recrutement de 2 000 AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) en équivalent temps plein. Reste, pour ce métier comme pour les autres, à trouver des candidats qui, faute d’attractivité suffisante, ne se bousculent pas au portillon.

Xavier Molénat

 

7/ Santé : Attention danger !

C’est une annonce discrète mais elle constitue un coup de tonnerre : le gouvernement prévoit une baisse du remboursement par la Sécurité sociale des consultations chez les médecins et les sages-femmes. Il passerait de 70 à 60 %. A charge pour les complémentaires de prendre le relais. Censée faire « économiser » 1,1 milliard d’euros, cette mesure est en fait un simple transfert : on passe d’une gestion socialisée (la Sécu) à une prise en charge privée (les organismes complémentaires).

D’autres sources de financement étaient pourtant mobilisables. Une augmentation de la CSG (contribution sociale généralisée), qui porte sur tous les revenus, aurait par exemple permis de trouver des ressources collectives. Mais le gouvernement, obnubilé par le symbole de ne pas augmenter les impôts pour les classes moyennes et populaires, préfère laisser cette charge aux patients directement.

Car, de fait, les primes des complémentaires vont augmenter. La facture devrait être contenue pour les salariés couverts par une complémentaire d’entreprise. Mais les indépendants, étudiants et retraités pourraient voir les montants s’envoler. Sans parler des 2,5 millions de personnes qui n’ont pas de couverture complémentaire.

La pilule est d’autant plus difficile à avaler que la consultation chez les généralistes passera en décembre de 26,5 à 30 euros, en vertu de la nouvelle convention médicale signée en juin. Autre problème : cette politique assèche les comptes de la Sécu. Car les complémentaires d’entreprise font l’objet d’exonérations de cotisations sociales qui constituent… des recettes pour la Sécu.

L’hôpital fait lui aussi grise mine. Certes, son budget doit augmenter de 3,1 % (+ 3,3 milliards d’euros). Mais face au déficit de la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers (la CNRACL), le gouvernement veut augmenter le taux de cotisation des établissements de santé publics, pour un montant évalué par la Fédération hospitalière de France (FHF) à 1,3 milliard d’euros. Le gouvernement promet certes une « compensation ». Mais ce n’est qu’une promesse.

Céline Mouzon
 

8/ Transition écologique : la grande régression

A la hausse le budget vert ? Selon le dossier présenté à la presse, la mission interministérielle « Ecologie, développement et mobilités durables » verrait ses moyens progresser de 2,8 milliards d’euros l’an prochain. Mais selon le PLF remis aux parlementaires, cette enveloppe recule de 24,1 à 21,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement. Un jeu de chaises musicales entre programmes.

Derrière cette obscurité des chiffres, il faut surtout comprendre que, contrairement à son discours de politique générale, Michel Barnier a arbitré la dette budgétaire contre la dette écologique. Un seul poste affiche une forte hausse : le service public de l’énergie, soit le soutien aux énergies renouvelables, pour 1,8 milliard d’euros. Cependant, il ne s’agit pas d’un investissement additionnel choisi mais d’une dépense subie. C’est le simple effet de la baisse du cours de l’électricité, qui entraîne mécaniquement une augmentation des subventions aux producteurs d’électricité verte dans le cadre des garanties de prix sur les contrats passés.

Si l’exécutif a décidé de renoncer aux engagements climat de la France, il faut qu’il le dise

Face à cette hausse sans bénéfice supplémentaire pour le climat, l’exécutif annonce des coupes claires dans des dépenses utiles, pour un volume plus important. Le programme MaPrimeRénov, première victime, perd 1 milliard en 2025 (en plus d’une baisse d’1 milliard début 2024). A quoi s’ajoute une baisse de 0,5 milliard du soutien au véhicule électrique, d’autant pour le fonds vert des collectivités et d’autant encore pour le fonds chaleur et autres dépenses d’intervention de l’Ademe.

Selon l’institut I4CE, il faudrait investir 18 à 52 milliards d’euros d’argent public supplémentaire chaque année à partir de 2024 pour atteindre les objectifs climatiques à 2030. L’écart entre les deux chiffres étant fonction des arbitrages sur les leviers fiscal et réglementaire.

L’an dernier, la loi de finances avait fait progresser le budget de la transition écologique de 7 milliards d’euros, bien que sur des bases fragiles. Cette année, c’est la grande régression. « Les Français (…) attendent que le Premier ministre et les membres du gouvernement (…) disent la vérité » avait déclaré Michel Barnier le 1er octobre devant les parlementaires. Si l’exécutif a décidé de renoncer aux engagements climat de la France, il faut qu’il le dise.

Antoine de Ravignan


9/ Un peu de vert sur la fiscalité écologique, mais…

La fiscalité énergétique représente une part importante de la hausse de recettes envisagées dans le PLF 2025 (7,3 milliards d’euros sur 19). Et même l’essentiel en considérant que les mesures sur les grosses entreprises et les ménages les plus riches sont temporaires. Mais jusqu’où s’agit-il d’un verdissement ?

S’il franchit le Parlement et les tirs de barrage des lobbies, le relèvement de la taxe de solidarité sur les billets d’avion ferait passer son rendement de 0,5 à 1,5 milliard d’euros et rapprocherait la France de ses voisins allemand et britannique. Bien que les chiffres proposés soient nettement inférieurs aux recommandations de la Convention citoyenne pour le climat, ce serait un progrès incontestable. De même la baisse de l’avantage fiscal sur les voitures de fonction à moteur thermique (0,3 milliard).

Également positifs, le relèvement du malus auto et l’application du taux normal de TVA sur les chaudières à gaz (+ 0,3 et + 0,2 milliard) mais il s’agit là surtout d’obligations européennes.

Plus problématique est la hausse de 3 milliards d’euros du produit de la taxe sur la consommation d’électricité (TICFE), d’autant que sa base (environ 50 €/MWh) serait supérieure à celle qui prévalait avant l’instauration du bouclier tarifaire mis en place pour contrer l’explosion des prix de l’énergie en 2022-2023 (33 €/MWh en 2021, 1 en 2022 et 2023, 22,5 en 2024). Toutefois, plaide Bercy, malgré ce prélèvement, la baisse des prix de gros de l’électricité se répercute sur les consommateurs et les abonnés au tarif réglementé verront leur facture diminuer de 9 % l’an prochain.

Relever le prix de l’énergie est a priori une bonne idée pour l’écologie… à partir du moment où les effets socialement régressifs de cette mesure sont compensés. Ce qui n’est pas le cas ici. Et il faudrait qu’une hausse plus importante s’applique aux énergies fossiles. Ce n’est pas le cas non plus. Pire, le PLF s’abstient de toute mesure nouvelle pour réduire les subventions climaticides dont elles profitent.

Enfin, le projet de prélever 2 milliards sur EDF, lié à l’extinction fin 2025 du mécanisme de l’Arenh, paraît bien hasardeux au regard de l’endettement et des besoins d’investissement du groupe. D’autant que cette recette est a priori destinée au consommateur, non à l’Etat.

A. R.

 

10/ Les collectivités locales ponctionnées

Elles sont dans « dans une situation financière saine »de l’aveu même de la très stricte Cour des comptes, mais elles passeront quand même à la caisse. Ou, plus exactement, leurs caisses attendront en vain des recettes qui leur étaient dues. Les collectivités locales (régions, départements, communautés de communes et communes) participeront au redressement budgétaire à hauteur de 5 milliards d’euros.

Trois mécanismes de réduction de leurs recettes sont prévus. Le premier, un nouveau « fonds de précaution », est assez technique. Pour aller vite, il consiste à prélever jusqu’à 2 % des recettes qu’auraient dû toucher 450 collectivités les plus importantes de France (dont les dépenses de fonctionnement réelles sont supérieures à 40 millions d’euros par an), mais en excluant celles situées dans 20 départements jugés trop fragiles. Ces derniers sont soit très précaires (Seine-Saint-Denis, Pas-de-Calais et départements d’outre-mer), soit très ruraux (Ariège, Lozère, Nièvre), soit très sensibles (Corse).

Personne, en revanche, n’échappera aux deux autres mécanismes. Le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pour commencer, sera amputé de 800 millions d’euros. Coûtant 7,1 milliards d’euros à l’Etat en 2024, il est octroyé aux collectivités pour la TVA acquittée sur leurs investissements. En clair, investir coûtera plus cher aux collectivités. Un mauvais signal au moment où elles doivent doubler leurs efforts en faveur de la transition écologique.

Enfin, les recettes de TVA transférées aux collectivités seront gelées, ce qui représentera une économie de 1,2 milliard d’euros pour l’Etat. Plus que la somme, c’est là encore le signal qui inquiète. Les transferts de TVA constituent la contrepartie accordée aux collectivités, ces dernières années, en échange de la suppression d’impôts locaux comme la taxe d’habitation. A ce jeu, les régions seront les plus grandes perdantes car elles dépendent beaucoup de ce type de transferts.

Vincent Grimault



16/10/2024
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