Assurance chômage : quand ça veut pas…

Chères lectrices et chers lecteurs, levons ici un secret de fabrication d’Alternatives Economiques : chaque mois, il nous arrive de peiner à remplir la rubrique « bonne nouvelle », sise page 16 de votre mensuel. Les nouvelles réjouissantes sur le front du climat, de l’économie ou du social ne courent pas les rues. Mais en voilà une qui ne fait pas un pli. Au terme d’un suspense de douze jours, le Conseil d’Etat a suspendu, en référé le 22 juin, les règles de calcul du salaire journalier de référence (SJR) censées entrer en vigueur le 1er juillet. Un énorme soulagement pour les dizaines de milliers de demandeurs d’emploi qui devaient voir le montant de leurs indemnités baisser. Une énorme première manche remportée par les organisations syndicales – réunies au complet hormis la CFTC – qui ont porté l’affaire devant les juges.

Alors bien sûr, il s’agit d’une ordonnance rendue en urgence. Les juges ont désormais quatre mois pour étudier le dossier sur le fond. Autre bémol, cette première décision ne remet pas en question le principe de la réforme qui est de prendre en compte toutes les périodes, travaillées et non travaillées, ce qui fait chuter le montant des indemnités.

 

Cette première décision du Conseil d’Etat ne remet pas en question le principe de la réforme

 

En l’état, cette différence de traitement, qui affecte les demandeurs d’emploi abonnés aux contrats courts et périodes de chômage, n’est manifestement pas « disproportionnée », considère la juge des référés. Ce n’est juste pas le bon moment, estime-t-elle. La crise est encore trop proche. Un argument défendu par les promoteurs mêmes de la réforme, que sont Muriel Pénicaud et son ancien directeur de cabinet, Antoine Foucher.

Aux beaux jours prochains, et les prévisions de l’Unédic le laissent clairement espérer, rien n’empêcherait donc cette réforme d’entrer pleinement en application. D’autant, poursuit le Conseil d’Etat, que la baisse des allocations est compensée par le versement des allocations sur une plus longue période.

Pourtant, les chômeurs le savent bien, surtout les plus précaires, mieux vaut toucher une plus grosse somme sur une courte période qu’un petit pécule sur une longue. Le gouvernement le sait aussi. C’est bien là-dessus qu’il compte faire des économies. Rien de mieux qu’un demandeur d’emploi qui ne va pas au bout de ses droits. Poussé dans de tels retranchements, il acceptera n’importe quel job.

Contre-vérités

Tout le reste n’est que discours. Penser, comme s’est défendu le ministère du Travail, que les demandeurs d’emploi feront collectivement pression sur les employeurs pour qu’ils leur proposent des emplois durables relève au mieux de la science-fiction, au pire du cynisme. Mais, depuis le début, la réforme a fait son lit sur des contre-vérités. Non, un chômeur ne peut pas gagner plus au chômage qu’en travaillant. Non, les contrats courts n’ont pas explosé de 250 % en dix ans. Non, les règles de l’assurance chômage ne sont pas responsables des abus…

 

Les chômeurs le savent bien, mieux vaut toucher une plus grosse somme sur une courte période qu’un petit pécule sur une longue période

 

Pour reprendre complètement la main sur une assurance chômage gérée paritairement par les partenaires sociaux, le gouvernement a su mener campagne et franchir des lignes jaunes. Encore faut-il ensuite savoir écrire un décret. Ses dernières bourdes sur les chômeurs qui ont connu un arrêt de travail ou une activité partielle l’ont contraint à réécrire le décret. Les syndicats n’auraient pas alerté les services du ministère… Qui ont donc manifestement besoin de leur expertise.

Trouver des compromis, maîtriser les dépenses, protéger les plus faibles sont des tâches dont les partenaires sociaux ont su, bon an mal an, s’acquitter. Gérer l’assurance chômage par les coûts, comme le gouvernement le fait avec les APL, n’est à l’évidence pas la meilleure issue.

 

Source : https://abestit.fr/assurance-chomage-quand-ca-veut-pas/

 



13/08/2021
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