Vers une plateforme numérique pour chercher un emploi... et contrôler les chômeurs?

 

Trois régions testeront en 2019 un site internet sur lequel les chômeurs seront invités à tenir un «journal de bord». Pour Pôle Emploi, il n'y a aucun lien avec le durcissement récent des sanctions envers les fraudeurs. Pour les syndicats, c'est un «flicage» des allocataires qui s'annonce. Le ministère reste muet.

 

C'est une statistique publiée par Pôle Emploi cet été: «l'insuffisance de recherche d'emploi est constatée pour 8% des demandeurs d'emploi indemnisables par l'Assurance chômage». Virtuellement, environ 250.000 bénéficiaires décrocheraient donc et auraient abandonné lettres de motivation, entretiens ou encore formations professionnelles. Autant de versements indus, contre lesquels les pouvoirs publics tentent de lutter tant bien que mal, le contrôle des chômeurs en France restant bien moins sévère que dans les autres pays européens.

 

Les agents de contrôles de Pôle Emploi, actuellement au nombre de 215, doivent néanmoins passer à 600 d'ici 2020. Mais un nouvel outil pourrait également permettre de mieux lutter contre les abus: une plateforme numérique ou «journal de bord», que les bénéficiaires d'allocations-chômage devront tenir régulièrement. D'ici juin, trois régions (dont le Centre-Val de Loire et deux régions encore non identifiées) vont mettre en place ce site pour le tester pendant 18 mois.

 

Plateforme de dialogue, ou outil de surveillance?

À quoi ressemblera cette plateforme numérique? Pour l'instant, les paramétrages sont en cours, mais le site prendra l'apparence d'un journal de bord accessible sur l'espace privé de l'utilisateur. Ce dernier y inscrira ses recherches, et pourra dialoguer directement avec un conseiller en charge de son dossier. Contacté, Pôle Emploi se veut rassurant: «cet outil n'a pas été créé pour sanctionner ou contrôler les demandeurs d'emploi, mais pour améliorer l'efficacité de leur recherche d'emploi», selon une source interne. «Nous utiliserons l'interface pour rendre l'entretien de suivi plus efficace et, si besoin, pour proposer des ateliers ou une nouvelle modalité d'accompagnement afin d'améliorer sa recherche d'emploi», ajoute le responsable.

 

Aucune utilité, donc, pour identifier les chômeurs trop peu actifs dans leur recherche d'emploi? Pas si sûr: le journal de bord servira également à «prévenir les décrochages et adapter le suivi». Même si l'établissement public préfère sans doute ne pas risquer un mauvais accueil pour son futur outil, l'intention d'un meilleur contrôle est donc bien présente. Dans la mesure où la plateforme facilitera les échanges entre Pole Emploi et les chômeurs, il semble d'ailleurs impossible de nier que le contrôle sera rendu plus efficace.

Un outil de surveillance qui ne dit pas son nom?

Pour Denis Gravouil, représentant CGT contacté par le Figaro, le journal de bord obligatoire participe donc au «flicage» et au «durcissement» du contrôle des chômeurs. Aux affirmations de Pole Emploi, le syndicaliste répond: «pourquoi sera-t-il obligatoire dans ce cas?». Avant d'ajouter que «la fracture numérique reste encore présente sur notre territoire avec 10 à 15% des personnes non connectées. Que feront-elles pour justifier leurs recherches?». Pour le syndicat, les mesures du gouvernement cherchent à faire baisser artificiellement le taux de chômage en radiant des allocataires.

 

Selon le gouvernement cité par France Bleu, tout demandeur ne jouant pas le jeu de ce journal de bord numérique pourra en effet «être sanctionné». Reste qu'assumer le contrôle des demandeurs d'emploi via la plateforme reste significatif politiquement. Et que le gouvernement ne souhaite peut-être pas en rajouter, après l'annonce du renforcement des sanctions pour les fraudeurs. Interrogé par le Figaro sur le lien entre la plateforme et le renforcement de la lutte contre la fraude, le cabinet de Muriel Pénicaud, ministre du Travail, reste pour l'instant silencieux.


Comment se déroule le contrôle des chômeurs par Pôle Emploi?

D'après Pôle Emploi, et avant l'augmentation du nombre d'agents dédiés, l'établissement public procédait à environ 14.000 contrôles par an. Plus largement, si l'on considère que les indemnités sont versées à tort pour les 8% de chômeurs qui ne cherchent pas d'emploi, le montant indu pourrait s'élever à 3,5 milliards d'euros, en prenant le nombre de bénéficiaires et le montant moyen des allocations versées.

 

Les contrôles peuvent être déclenchés pour différentes raisons. Le chômeur peut subir un contrôle aléatoire (42% des dossiers), ou être ciblé, par exemple lorsqu'une formation a eu lieu et qu'aucune amélioration n'est constatée dans la recherche d'emploi (49% des cas). Enfin, dans 9% des contrôles, ce dernier résulte d'un signalement, lorsqu'un conseiller Pole Emploi constate qu'un allocataire manque manifestement à ses obligations. Lorsqu'un contrôle est décidé, plusieurs étapes sont prévues avant de prendre une sanction éventuelle. À chaque étape, si l'agent décide que les doutes peuvent être dissipés, le dossier peut être clos et le demandeur d'emploi continuer à bénéficier d'une allocation.

 

- D'abord, son dossier est analysé en interne: 38% des contrôles s'arrêtent ici.

- Si l'analyse n'est pas suffisante, l'allocataire reçoit un questionnaire à remplir. Celui-ci peut répondre en fournissant des preuves de sa recherche d'emploi. Une capture d'écran, des échanges de mail sont acceptés. À cette étape, 17% des personnes contrôlées voient leurs recherches confirmées.

 

- Enfin, un entretien téléphonique avec les assurés les plus douteux peut être décidé. Ici, les allocataires s'expliquent sur leurs actions pour trouver un emploi. Parmi les allocataires de tout le panel des dossiers contrôlés, 15% se voient alors confirmer qu'ils sont suffisamment actifs.

 

- Pour tous ceux qui «apparaissent en insuffisance de recherche», un courrier d'avertissement est envoyé. 5% des personnes contrôlées sont «remobilisées», et 14% des dossiers subissent une radiation, pour 15 jours en général. Sur ces demandeurs d'emploi punis, deux tiers sont néanmoins réinscrits directement après cette sanction.

 

source : http://www.lefigaro.fr/social/2019/01/04/20011-20190104ARTFIG00217-vers-une-plateforme-numerique-pour-chercher-un-emploi-et-controler-les-chomeurs.php

 



18/01/2019
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