Quand un ministre suggère de baisser la durée et le montant des allocations chômage
En suggérant aux partenaires sociaux de toucher aux paramètres d'indemnisation des chômeurs, Jean-Marie Le Guen s'immisce dans une négociation qui ne le concerne pas et pousse sans le dire pour le retour de la dégressivité des allocations proposé par le patronat.
Au moins, maintenant, les partenaires sociaux sont prévenus! Lors de l'émission Preuves par trois, diffusée mardi soir sur Public Sénat, Jean-Marie Le Guen a dit tout haut ce que le gouvernement attend de la prochaine renégociation de la convention d'assurance chômage, qui doit démarrer au début du mois de février. «Il est extrêmement difficile de diminuer les aides aux chômeurs pendant une période où le chômage est encore très élevé», a tout d'abord assuré le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Avant, de préciser: «Mais en même temps, on sait bien que, un peu pour des raisons financières (le régime accuse un déficit de 4 milliards par an et aura accumulé quelque 35 milliards de dette à horizon fin 2018, NDLR), mais aussi pour mobiliser plus de moyens sur la formation des chômeurs, il est assez vraisemblable qu'il faille un petit peu changer les paramètres de notre assurance-chômage».
Traduction? Le ministre, membre de l'aile droite du PS et proche du premier ministre, suggère donc aux syndicats et au patronat de jouer sur la durée et le montant des indemnisations des chômeurs. «Je pense que ces questions-là doivent être traitées avec courage par les partenaires sociaux», a-t-il ajouté, pour bien se faire comprendre. Une déclaration en droite ligne avec celle de Manuel Valls qui, dans l'après-midi lors de son discours aux membres du Cese, avait demandé aux partenaires sociaux de «dépasser les postures» afin, notamment, de trouver des «solutions d'avenir» pour redresser le régime de l'assurance chômage. Jean-Marie Le Guen a été plus clair encore...
Cette recommandation gouvernementale risque d'être très mal vécue par les syndicats. Et ce, pour deux raisons. Primo, il s'agit d'une immixtion -pour ne pas dire une ingérence- de l'exécutif dans le champ de la négociation paritaire, la définition des conditions d'indemnisation chômage relevant de la compétence exclusive des partenaires sociaux. Tous les gouvernements, quels qu'ils soient, ont toujours cherché à faire pression sur les représentants du patronat et des syndicats pour influencer l'orientation de leurs débats à venir. Même Manuel Valls en 2014, quelques semaines après avoir agréé l'accord trouvé lors de la dernière renégociation, avait laissé entendre -depuis Londres, pour plaire à la commission de Bruxelles qui réclame une réforme structurelle de l'indemnisation chômage- que les partenaires sociaux n'étaient pas allés assez loin et leur avait demandé de se remettre autour de la table pour revoir d'urgence les paramètres. Il avait même poussé le bouchon plus loin en retoquant, toujours après l'avoir validé, les décisions courageuses qui avaient été prises sur les intermittents du spectacle.
Secundo, cette déclaration va -une nouvelle fois- dans le sens des demandes du patronat qui veut, lors de cette renégociation, réintroduire une forme de dégressivité des allocations chômage, après 6 mois ou un an d'inscription, pour inciter les demandeurs d'emploi à accepter plus rapidement un emploi. «Tout le monde sait qu'un chômeur ne commence réellement à rechercher un emploi qu'au bout d'un an d'inscription, confirme un haut dirigeant du Medef. Mais il est bien souvent déjà trop tard car il a perdu un an sur un CV qu'il ne peut pas justifier ou rattraper». FO, qui est viscéralement contre une telle mesure et dont la signature est obligatoire pour obtenir un accord, appréciera… Les autres syndicats aussi.
Source : http://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/2016/01/13/29001-20160113ARTFIG00197-quand-un-ministre-suggere-de-baisser-la-duree-et-le-montant-des-allocations-chomage.php