Marine Le Pen et le FN ne sont pas ce qu’ils disent
Marine Le Pen : sérail et dérapages
Marine Le Pen dénonce inlassablement « le système politico-médiatique » ? Elle a toujours baigné dedans. Profession du père : homme politique. Et grâce à l’héritage controversé du cimentier Lambert, filles élevées au château de Montretout à Saint-Cloud, une propriété de 5 000 m2 en banlieue riche estimée à 6,5 millions d’euros.
Marine Le Pen est née à Neuilly, partait en vacances à La Trinité-sur-Mer. A été inscrite six ans au barreau et a plaidé quelque peu, tout en s’engageant elle aussi en politique. Première candidature ? Législatives dans le huppé XVIIe arrondissement de Paris en 1993. Premier mandat, conseillère régionale dans le Nord – Pas-de-Calais en 1998. Qu’elle est toujours, hormis un passage en Île-de-France entre 2004 et 2010. Également députée européenne depuis 2004, longtemps peu assidue, elle cumule, mais ses indemnités sont plafonnées comme le prévoit la loi. De Strasbourg, elle perçoit 6 250 euros net, 4 320 euros d’indemnité de frais généraux (hors collaborateurs), 306 euros d’indemnité journalière de présence. Et de la Région 600 euros.
Le parti ? Un héritage du père, qui l’a soutenue contre Bruno Gollnisch. Ce père qu’elle a fini par tuer politiquement après un dérapage de trop. Elle-même n’en est pas exempte : les prières de rue comparées à une « occupation » (2011 et 2013), « avortement de confort » (2012), le PS et l’UMP surnommés le « ROM, rassemblement des organisations mondialistes » (2015).
La Région ? Une opportunité. Le maire d’Hénin-Beaumont, Steeve Briois : « Marine LePen a un profil compatible avec les gens du Nord, elle est naturelle, spontanée, on lui a demandé de venir ici. » « Avec vous je suis candidate. » Mais pas parmi nous. Elle ne vit pas dans la région mais à La Celle-Saint-Cloud. La Région, comme l’Europe, elle ne l’aime pas. Elle croit au triptyque communes-départements-nation. Ce qu’elle vise : la présidence de la République. Elle s’en cache peu.
Philippe Eymery, le vrai président ?
Le 30 janvier, Marine Le Pen hésitait encore à se présenter : « La mise en place effective de la fusion par la nouvelle équipe élue va demander 20 heures sur 24 à la nouvelle majorité et à son président. Or, je serai en campagne pour la présidentielle dès mars 2016. Ce serait difficile de ne pas être à 100 % à la Région si je venais d’être élue présidente. »
Le vrai président, au moins le temps de la campagne, pourrait être Philippe Eymery, qui remplace déjà Marine Le Pen à la tête du groupe FN lors de ses absences. Que ce soit à la Région ou à Dunkerque où il est élu, il est procédurier. Plutôt courtois, il est aussi capable de s’emporter. Il a introduit des sujets non traditionnels du FN tels que la filière automobile, le gaz de schiste… Mais il est aussi tenant d’une ligne dure.
Le 16 septembre, dans un communiqué titré : « La violence des clandestins contamine le Centre hospitalier de Calais », il demande au nom du FN d’« interdire l’accès aux centres de soins aux clandestins », ces « indésirables ». À Amiens, lundi dernier, il dénonce une UMP qui vote peu contre le PS à la Région ! C’est pour lui de « la collaboration ». Sur Twitter le 25 juin, une vidéo lui « a plu » : « Ni Lampedusa, ni Bruxelles, être européen ». L’art contemporain est « la laideur » ou « le non-art », les « Européens » sont blancs, « Belphégor » est une femme voilée… Une vidéo très loin de la dédiabolisation. Comme lui, plusieurs figures de la liste sont d’ailleurs entrées au FN sous l’ère Le Pen père.
Un clan aux manettes du FN
« Je n’ai pas ce coup de pouce de m’appeler Le Pen, qui reste indéniablement un coup de pouce. » Cinglant, le constat est signé… Florian Philippot, pourtant médiatique vice-président du FN. Qui a compris qu’au sein du parti, porter le bon patronyme apportait un indéniable avantage. Marion Maréchal-Le Pen a, elle, refusé d’intégrer le bureau exécutif, de peur que « Marine Le Pen ne se fasse reprocher le fameux Front familial comme on entend si souvent de façon injuste ». La famille préside aux destinées du FN depuis 1972. Un népotisme qu’elle dénonce pourtant régulièrement chez ses adversaires.
Ce règne familial sans partage se solde aujourd’hui devant le tribunal. L’ancien président du FN conteste son exclusion, orchestrée par sa fille, et réclame 2millions d’euros au FN . Depuis septembre, avec son épouse, il est aussi visé par une plainte du fisc pour des faits présumés de blanchiment de fraude fiscale , après avoir reconnu en 2013 qu’il avait possédé un compte en Suisse (2,2 millions). Une enquête a aussi été ouverte pour un enrichissement suspect de 1,1 million entre 2004 et 2009.
Marine Le Pen n’y échappe pas. En septembre, le FN a été mis en examen, en tant que personne morale, pour recel d’abus de biens sociaux et complicité d’escroquerie : la justice suspecte le parti de s’être enrichi au détriment de l’État en obligeant des candidats FN aux législatives de 2012 à se fournir en kits de campagne, surfacturés via le micro-parti de Marine Le Pen. Une pratique encore dénoncée, début novembre, par d’anciens candidats frontistes du Valenciennois. « L’UMPS », comme elle le dénonce, n’est manifestement pas la seule « plaque tournante de toutes les affaires ».
Le FN a-t-il assez de cadres ?
Le FN n’est à la tête d’aucun Département ni d’aucune Région, quand la nôtre, élargie, pèse 8 600 agents. Combien vont quitter le navire ? Outre le cabinet, forcément remanié, les postes de directeur général des services (deux) et de directeur général adjoint (une quinzaine) sont politiques et statutairement éjectables. Les deux Régions comptent aussi une cinquantaine de directeurs de service, fonctionnaires comme la plupart des cadres. Vont-ils vouloir rester, même si les points de chute sont limités ? Question de convictions et de crainte de ligne rouge sur le CV.
Alors le FN peut-il compenser ? Le parti assure avoir sous la main « les ressources humaines ». Côté élus, Marine Le Pen se reposera surtout sur les aguerris, toujours les mêmes, les « Héninois » de l’appareil FN, Jean-Richard Sulzer, Bruno Bilde ou Laurent Brice, mais aussi Philippe Eymery, Michel Guiniot, Éric Dillies, et des nouveaux entrants comme Sébastien Chenu.
Coté fonctionnaires, « on ne retiendra personne de force mais il n’y aura pas de chasse aux sorcières », promet Bruno Bilde, directeur de campagne de Marine Le Pen. « La haute fonction publique est un petit milieu avec lequel nous avons tissé des liens depuis deux ans », dit-il. Pour le poste stratégique de directeur général des services, le FN indique avoir déjà reçu trois ou quatre candidatures d’administrateurs, le plus haut grade de la fonction publique territoriale, à la tête des services « de grosses mairies, de plus de 50 000 habitants ». Suffisant pour passer à la gestion d’une région de 6 millions d’habitants au budget de plus de 3,3 milliards d’euros ? Une certitude : la gestion d’une Région, très spécifique comparativement à celle d’une commune, exige des cadres administratifs d’un haut niveau de compétence et d’expérience.
Une conception étroite du débat
Travailler avec le FN, c’est s’exposer à la vindicte : disqualification ad hominem de l’opposant, langage fleuri, SMS rageurs sur le mode « c’est la guerre ». Du classique. Mais le FN n’en reste pas là. Tout à sa stratégie de victimisation, le FN joue le jeu médiatique… quand ça l’arrange. Qu’on se souvienne de l’épisode de « Des paroles et des actes » où Marine Le Pen a refusé de débattre. À nos nombreuses demandes d’interview longue, Marine Le Pen a toujours opposé une fin de non-recevoir. Mais a toujours accepté de commenter les sondages favorables. Nos confrères de Metronews et Dailynord ont essuyé le même refus.
La pratique du pouvoir est aussi particulière. À Hénin-Beaumont, Steeve Briois dénonce la « crise d’hystérie » d’une opposante, multiplie les poursuites contre un autre. En conseil municipal, les militants FN mettent la pression sur les oppositions à coups de noms d’oiseaux, bien loin de la sérénité des débats. Les journalistes sont taxés d’être militants quand ils sont un peu critiques. Ceux de La Voix du Nord, mais aussi Florence Aubenas, du Monde, la semaine dernière. En cas de bouderie, c’est portes fermées, agenda du maire plus envoyé. Le bulletin municipal est aussi utilisé pour ces règlements de comptes. Et au rayon des invectives, Pascal Wallart, chef de notre édition d’Hénin, se souvient avoir lu sur le blog de celui qui n’était pas encore maire qu’il était « au journalisme ce que la pornographie est à l’amour ».
Dans l’hémicycle régional, le comportement est à l’avenant : prises à partie, batailles de procédure, sous-entendus. Lors d’une joute mémorable avec Daniel Percheron, Marine Le Pen n’a pas mégoté sur le choix des mots. « Le fascisme, Monsieur, est d’essence socialiste. Vous devriez le savoir et ne pas trop la ramener sur ce sujet, en l’occurrence ! » Raccourci historique et retournement symbolique osé, quand on connaît les racines du FN, créé en 1972 notamment par les néofascistes d’Ordre nouveau.
Dérapages en série
Un drapeau israélien en feu. Une image trouvée sur le mur Facebook d’un militant pressenti pour conduire la liste FN lors des municipales de mars 2014 à Neuville-en-Ferrain, ce qui lui a valu une exclusion du parti. Il y a aussi ce suppléant arrageois aux départementales de mars, auteur de commentaires et messages à caractère raciste et xénophobe avant d’être suspendu. Comme quinze autres candidats lors de ces élections.
Le FN est habitué aux dérapages, provocations, propos haineux. Venant du sommet du parti (J.-M. Le Pen a déjà été condamné pour incitation à la haine raciale ou pour sa tendance à réécrire l’histoire comme pour le massacre d’Ascq et l’Occupation « pas particulièrement inhumaine ») comme des simples militants. La dédiabolisation a ses limites.
source : http://www.lavoixdunord.fr/region/regionales-marine-le-pen-et-le-fn-ne-sont-pas-ce-ia0b0n3192995