L’Unédic dans le vert, l’assurance chômage dans le flou

L’organisme chargé de la gestion de l’assurance chômage a vu ses comptes revenir au vert avec un excédent prévu de 2,5 milliards d’euros en 2022. La réforme de l’indemnisation permettra de dégager un excédent de 10 milliards d’euros d’ici 2024. Mais une partie des chômeurs seront perdants.

La dernière fois que l’Unédic a livré ses très optimistes prévisions financières, c’était juste après le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février. Quatre mois après, la guerre est toujours là, l’inflation bondit, mais l’organisme paritaire chargé de la gestion de l’assurance chômage en France se montre toujours aussi enthousiaste. En conférence de presse ce mercredi, il a confirmé son retour dans le vert après la crise du Covid, avec un excédent prévu à 2,5 milliards d’euros cette année. Et annoncé que le régime d’assurance chômage devrait connaître un excédent de 10 milliards d’euros entre 2022 et 2024. L’objectif étant de réduire le montant de sa dette pour atterrir à 53,7 milliards d’euros à cette date. Sur ces trois années, les deux tiers des excédents viendront de la réforme de l’assurance chômage, dont le contesté durcissement des règles de calcul est entré en vigueur en octobre.

«Nous n’avons pas fait un copié-collé de nos prévisions de février», a souri Jean-Eudes Tesson, vice-président de l’Unédic, après que la présidente, Patricia Ferrand, a pointé une «stabilité en trompe-l’œil». Si l’emploi s’est fortement maintenu sur le début d’année, les indicateurs bougent. L’OCDE ce mercredi et l’Insee la semaine dernière ont revu leur copie à la baisse. Ils tablent désormais sur une croissance autour de 2,4 à 2,5 % cette année (contre les 4 % prévus). Sans compter l’incertitude liée à la guerre, au choc d’inflation (5,2 % sur un an en mai) qui gonfle les recettes de l’Unédic, et aux potentielles mesures de soutien public.

Incertitude

«Après un rebond exceptionnel, le niveau de création d’emplois est désormais assez faible», souligne également le directeur général Christophe Valentie. Au premier trimestre 2022, 79 000 emplois ont été créés, après le bond de 2021 estimé à 678 000. Sur 2023 et 2024, ils devraient se limiter à 52 000 et 80 000. Tandis que la croissance reviendrait à un niveau proche d’avant-crise (entre 1,7 % et 1,8 %). Le gouvernement avait pourtant justifié la réforme de l’assurance chômage par la bonne conjoncture, avec une forte croissance et la perspective du plein-emploi. L’Unédic a confirmé un recul du chômage à 7,3 % d’ici la fin de l’année, et prévoit 7,2 % pour 2023. Mais on est encore loin du fameux «plein-emploi» que l’OIT (Organisation internationale du travail) situe à moins de 5 % de la population active.

 

Mais huit mois après le lancement de la réforme, l’Unédic admet ne pas être en capacité d’en évaluer l’impact. «Les travaux d’évaluation sont prévus mais pas encore réalisés», reconnaît la présidente. Et d’ajouter : «Même l’Etat, qui nous avait annoncé un comité de suivi de la réforme, n’a pas débuté, ou ne nous a pas partagé ces éléments.» Pour la simple et bonne raison que, selon l’organisme paritaire, cette analyse nécessite plus de temps pour avoir le recul nécessaire. D’ici la fin de l’année, les partenaires sociaux sont supposés en rediscuter avec le gouvernement, un exercice rendu difficile sans évaluation. «On peut toujours rediscuter, mais la question est de conclure. On n’a pas plus d’informations que vous», a rétorqué aux journalistes Jean-Eudes Tesson.

«Les économies ont été faites sur le dos des chômeurs»

La nouvelle Première ministre, Elisabeth Borne, avait justement éprouvé la période la plus houleuse de son mandat en tant que ministre du Travail avec cette réforme. Les syndicats, unanimes, l’avaient longuement combattue, mais l’exécutif n’y a jamais renoncé. Saisi en urgence, le Conseil d’Etat était allé jusqu’à la suspendre un temps en raison des incertitudes économiques pesant sur le pays. En avril 2021, les prévisions de l’Unédic n’avaient pas fait plaisir à Borne, estimant les perdants de la réforme à 1,15 million de personnes. Leur allocation serait de 17 % inférieure en moyenne à ce qu’elle était avant la réforme. Mais pour l’ex-ministre, l’objectif affiché était d’encourager le retour au travail, avec des contrats plus longs, et en coulisses, de rembourser la dette de l’Unédic en profitant d’une période économique favorable.

Un raisonnement qui ne tient toujours pas pour Denis Gravouil, spécialiste de la question du chômage à la CGT : «Nous ne sommes pas dans une période d’amélioration économique, mais simplement dans un rééquilibrage suite à la crise du Covid. Les économies ont avant tout été faites sur le dos des chômeurs.» Selon lui, une donnée échappe toujours au bilan de l’Unédic : «Parler d’amélioration du taux d’emploi n’a pas de sens si on ne tient pas compte du nombre de personnes qui sortent de l’indemnisation.» Il faut désormais avoir travaillé six mois au lieu de quatre pour pouvoir prétendre à une indemnisation. Les personnes ayant travaillé quatre ou cinq mois ne s’inscriraient donc plus à Pôle Emploi, sachant qu’elles ne toucheront rien. Denis Gravouil s’interroge : «Tant mieux si l’Unédic va mieux, mais à quel prix pour les chômeurs ?»

 

Sources : https://www.liberation.fr/economie/social/lunedic-dans-le-vert-lassurance-chomage-dans-le-flou-20220608_M5D5FQBOKVGNBF6DPAZXXQ6N2I/

 



10/06/2022
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