Le contrôle des chômeurs en cinq questions
Annoncé au printemps, le renforcement du contrôle des chômeurs sera généralisé fin septembre. Chaque année, 180 000 personnes pourraient avoir à justifier de leurs recherches d'emploi. Les détails pratiques.
Le conseil d'administration de Pôle emploi s'était fixé entre août et octobre, Les Echos confirment ce lundi que ce sera pour fin septembre. Le service public de l'emploi s'apprête à généraliser une nouvelle organisation des agences, afin de contrôler plus systématiquement que les demandeurs d'emploi cherchent bien du travail. Déjà à l'essai dans quatre régions depuis 2013, ce système sera étendu à de nouvelles antennes. Qu'est-ce qui changera par rapport au système actuel? Que risquent les chômeurs qui ont abandonné leurs recherches? Le point en cinq questions.
1. Qui contrôlera les chômeurs?
Depuis la fusion ANPE-Assedic, les conseillers Pôle emploi ont la triple mission d'indemniser les demandeurs d'emploi, de les aider à chercher un travail et de vérifier leurs démarches. Ce dernier point "fait partie de nos obligations légales", assurait récemment à l'Express Jean-Manuel Gomes, élu CFDT de Pôle emploi. Dans les faits, avec des "portefeuilles" de demandeurs d'emploi qui peuvent atteindre plusieurs centaines de dossiers, cette tâche passe souvent à la trappe. A partir de fin septembre, 200 employés de Pôle emploi seront affectés au contrôle. C'est peu rapporté aux 900 agences réparties en France. Il n'y aura pas de recrutement supplémentaire.
2. Qui sera contrôlé?
Selon Les Echos, 180 000 chômeurs pourraient être contrôlés chaque année, sur 3,5 millions de demandeurs d'emploi de catégorie A, c'est à dire sans aucune activité et "tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi". Reste à savoir comment les conseillers les choisiront. Agnès Campanella s'était portée volontaire pour tester le dispositif à l'essai dans son agence. Jointe par l'Express en septembre 2014, cette déléguée syndicale FO à Pôle emploi dans les Alpes-de-Haute-Provence expliquait recevoir chaque jour le nom des inscrits à "surveiller": "Un logiciel édite la liste. Les personnes sont choisies de façon aléatoire." Une autre méthode a consisté à cibler certains profils signalés en interne ou qualifiés dans des métiers qui recrutent. D'après Les Echos, la décision d'appliquer un système plutôt qu'un autre se fera dans chaque région.
3. Comment se passeront les contrôles?
Une fois les dossiers examinés, le "contrôleur" prendra contact avec les chômeurs pour les soumettre à une série de questions sur l'état de leurs recherches, des entretiens d'embauche décrochés aux demandes de formation. Par écrit d'abord, puis par téléphone et enfin de visu, si les réponses sont jugées insuffisantes ou peu crédibles. Les demandeurs d'emploi pourront être convoqués à un entretien et sommés de fournir des preuves, comme des e-mails ou des courriers. Les plus découragés feront l'objet d'un "processus de redynamisation", selon les termes de Pôle emploi. Ce n'est qu'ensuite, si la personne n'a toujours pas repris ses recherches, qu'une procédure de radiation, souvent de 15 jours dans un premier temps, sera enclenchée.
4. Contrôler ou "fliquer"?
Pôle emploi l'assure, les contrôles n'auront pas vocation à "fliquer" les chômeurs, mais plutôt à identifier ceux qui perdent pied pour les aider à reprendre leurs démarches. Sa direction martèle qu'il n'y aura aucun objectif de contrôles ou de radiations, et insiste sur la gradation de la procédure. Mais la mesure n'en inquiète pas moins certains syndicats. Lors du vote au conseil d'administration de Pôle emploi, la CGT et FO se sont abstenues. Délégué syndical au SNU-Pôle emploi, Jean-Charles Steyger expliquait fin mai que "si faire monter les radiations n'est pas l'objectif explicite des contrôles, c'est en tout cas ce qui va se produire", avec des conséquences sociales importantes pour les chômeurs dont les allocations seront suspendues. Il déplorait aussi que les déclarations à répétition sur la nécessité de contrôler les chômeurs nourrissent les préjugés et entretiennent l'amalgame avec les fraudeurs, ceux qui touchent indûment des allocations.
5. Ça va changer quelque chose?
Difficile à dire. Le bilan de l'expérimentation a montré que 84% des demandeurs d'emploi cherchaient bel et bien du travail. 8 à 15% des chômeurs contrôlés ont été radiés selon les régions, mais plus de la moitié ne touchaient déjà plus d'indemnités. Les autres, ceux qui ont écopé d'un avertissement, ont-ils repris durablement leurs recherches? La "redynamisation" a-t-elle fonctionné? Il faudra attendre le premier bilan de la généralisation pour y voir clair. Quant aux conseillers, Pôle emploi estime dans un document interne que les volontaires de la phase de test en sont sortis satisfaits. "La séparation du suivi des demandeurs d'emploi et de leur contrôle permet aux conseillers d'être plus à l'aise dans leur relation de confiance avec [eux]", assure-t-il. Mais la direction précise aussi que les "contrôleurs" disposeront d'un "registre de sécurité ad hoc" et d'"une alerte silencieuse" lors des entretiens, tout en recommandant qu'ils ne contrôlent pas les chômeurs de leur commune... Signe que la tâche ne sera pas si facile?
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