Jean Bassères commence son nouveau mandat à Pôle emploi par un camouflet
Jean Bassères vient de voir son mandat de directeur général de Pôle emploi renouvelé pour trois ans. Son premier mandat a été marqué par une inflexion certaine par rapport à celui de son prédécesseur, Christian Charpy, qui avait conduit, à marche forcée, dans un rythme paradoxalement accéléré alors que l’augmentation du nombre de clients, pour reprendre le vocabulaire de l’époque, rendait le projet conçu en période de baisse du chômage incohérent (Il faut revoir le rythme de la fusion écrivions nous en février 2009), une fusion sous conduite étatique (voir Pôle emploi : l’échec de la conduite étatique de la fusion), marquée par la négation des métiers et la volonté d’une “rationalisation” inspirée par des consultants fort bien rémunérés qui n’avaient pas compris que l’application des méthodes à l’œuvre dans l’industrie ne pouvait que conduire à un système qui s’organiserait pour satisfaire aux indicateurs, en oubliant la réalité.
Ce mandat commence par un camouflet celui que viennent d’infliger trois organisations syndicales, la FSU, FO et la CGT, qui représentant plus de 50 % des voix aux élections professionnelles, en faisant valoir leur droit d’opposition à l’ ” l’accord du 19 décembre 2014 relatif à la classification des emplois et à la révision de certains articles de la Convention Collective Nationale de Pôle emploi “.
Il fallait, de la part de la direction, être bien confiant pour espérer que ces trois organisations ne feraient pas jouer ce droit, alors que dans une déclaration commune du 13 novembre, elles avaient annoncé leur intention de le faire, ce qui conduit certains à penser que la direction a volontairement organisé la non validation de cet accord, ce qui nous semble une stratégie peu vraisemblable, tant elle met en évidence une absence de maitrise et amène une période difficile avant de pouvoir reprendre le dossier sur une stratégie différente
Plusieurs raisons expliquent cette opposition majoritaire au travail de complément d’une convention collective, qui en conséquence du calendrier accéléré de la fusion, avait fait l’impasse sur ce qui fonde habituellement un tel accord collectif, un système de classification adapté aux activités. Il en est de générales, qui pour une part montrent qu’il demeure beaucoup de traces d’une fusion contestée dans son principe et mal conduite, avec le maintien d’un nombre non négligeable d’agents régis par le droit public, et pour une autre se fondent sur une opposition résolue à un contexte qualifié d’austérité.
Il en est aussi qui tiennent au jeu entre organisations syndicales, avec en particulier l’opportunité pour FO, qui a fort mal vécu de voir la CFDT devenir lors des dernières élections professionnelles la première organisation syndicale de Pôle emploi (voir De nouvelles données pour le dialogue social à Pôle emploi, la CFDT devenue première organisation), de s’affirmer comme le partenaire indispensable de tout accord, et rappeler à la direction que l’arithmétique impose, qu’on le veuille ou non, d’en passer par certaines de ses conditions.
Mais il en est aussi qui tiennent à des situations mal traitées dans cet accord : les psychologues du travail transférés de l’AFPA ne semblent pas se voir garanti un statut cadre, la possibilité d’évolution des conseillers vers une fonction d’expertise de l’emploi n’est pas prévue, et globalement, et surtout le référentiel des métiers n’a pas fait l’objet du travail d’élaboration paritaire qui lui aurait donné une légitimité qui manque en fin de parcours.
Jean Bassères avait choisi, en laissant à la manœuvre son DRH, de ne pas s’impliquer dans cette négociation ce que la FSU lui reproche dans la lettre qui lui est adressée pour expliquer les raisons de l’opposition. Il devra tirer les leçons pour la conduite de son nouveau mandat, qui ne pourra se fonder sur la logique d’expérimentations multiples, difficiles à suivre tant elles étaient nombreuses, non évaluées par une instance indépendante de la direction.
Pour son deuxième mandat, le directeur général confirmé, et ayant donc une marge d’initiative plus forte devra s’impliquer directement dans le dialogue social et impulser une démarche d’implication directe des équipes de Pôle emploi dans les évolutions de l’institution et cesser le décalage entre un discours de mobilisation et une pratique reposant sur une hiérarchie qui a plus montré .
On peut au moins souhaiter que la coûteuse pratique de faciliter le départ de cadres près de la retraite par des procédures conventionnelles permette de ne plus devoir gérer une hiérarchie surnuméraire issue de la fusion, productrice de notes descendantes et d’une attente chronophage de reporting, et de permettre enfin de libérer les capacités ascendantes, qui jusqu’à présent ont fait l’objet d’une grande méfiance de la part d’une hiérarchie qui y lisait, non sans rasions , une mise en cause de son utilité.
AJOUT
Dans son argumentaire favorable à la signature la CFE-CGC mentionne que “ le référentiel des métiers est un élément central de la classification, son contenu est de la prérogative de l’employeur “. Difficile de dire plus clairement que la négociation n’a pas traité un élément central, ce qui n’est probablement pas étranger à l’aboutissement déploré aujourd’hui
Source : http://alternatives-economiques.fr/blogs/abherve/2014/12/22/jean-basseres-commence-son-nouveau-mandat-a-pole-emploi-par-un-camouflet-une-opposition-syndicale-majoriataire-a-laccord-sur-les-classifications/