Code du travail: les règles sur le temps de travail modifiées dès 2016
La ministre du Travail Myriam El Khomri a remis ce mercredi à Manuel Valls sa copie sur une réforme controversée du code du travail. Le chantier doit durer deux ans, mais les règles sur le temps de travail changeront plus vite.
Le chantier s'annonce gigantesque, mais le gouvernement affiche sa volonté d'aller vite. En deux ans, le code du travail doit changer de visage. S'inspirant du rapport de Jean-Denis Combrexelle remis en septembre au Premier ministre, mais aussi du rapport Mettling sur la transformation numérique, le texte vise à assouplir le code du travail en donnant davantage la main aux entreprises et aux branches professionnelles.
2016, 2017... Ce n'est donc pas avant 2018, soit après l'élection présidentielle, que "le code du travail pour le XXIème siècle" du gouvernement verra le jour.
L'aménagement du temps de travail, une priorité
Prioritaire, la question polémique du temps de travail. Les chapitres sur le sujet seront revus dès l'année prochaine. "Sans attendre, le gouvernement fait le choix de réécrire dès le projet de loi la partie essentielle du code du travail consacrée à la durée du travail, au repos et aux congés", prévient la ministre.
Ces nouveaux chapitres doivent permettre à la négociation collective au sein de l'entreprise de définir des temps de travail hebdomadaires et quotidiens, leur aménagement sur l'année, les congés, ou encore les astreintes. Le projet doit être présenté dès le début de l'année prochaine par le gouvernement, pour une adoption mi-2016.
La hiérarchie des normes "pas remise en cause"
Mais le président, comme le Premier ministre, a promis de ne toucher ni à la durée légale du travail, fixée à 35 heures hebdomadaire, ni au Smic, ni au contrat, ni à la hiérarchie des normes - principe selon lequel les accords d'entreprise ne peuvent pas être moins favorables aux salariés que la loi et les règlements. "La hiérarchie des normes ne sera pas remise en cause", certifie Myriam El Khomri dans sa présentation. Un déception pour le Medef.
Qu'est-ce qui peut donc changer? Myriam El Khomri a dévoilé les grandes lignes la nouvelle architecture du code du travail, bâti sur trois niveaux:
- Premier niveau : celui de l'ordre public social auquel aucun accord ne peut déroger (par exemple, le SMIC, la durée légale du travail)
- Deuxième niveau : constitué par le domaine ouvert à la négociation et définissant l'articulation la plus pertinente entre la branche et l'entreprise - la loi déterminant le champ de l'ordre public conventionnel de branche.
- Troisième niveau : constitué par les dispositions applicables en l'absence d'accord d'entreprise et d'accord de branche.
Ces dispositions doivent permettre d'identifier plus nettement quelles sont les marges laissées à la négociation.
Moins de branches, plus d'accords d'entreprise
Le rôle des branches professionnelles doit être renforcé pour y rendre le dialogue plus actif, ce qui passe par une réduction drastique de leur nombre. Le gouvernement veut réduire le nombre de branches professionnelles à 200 d'ici trois ans et à terme à 100. Les partenaires sociaux "auront deux ou trois ans, deux c'est mieux", pour "engager un mouvement de regroupement volontaire des branches", a déclaré Manuel Valls. "A défaut, le gouvernement procédera lui-même à ces regroupements".
Le texte se prononce également sur les accords d'entreprise: le rapport Combrexelle préconise qu'ils soient majoritaires, signés par des organisations représentant au moins 50% des voix - contre 30% actuellement -, et que leur durée n'excède pas quatre ans. Au risque, selon certains experts, de freiner plus que d'accélérer la négociation. "Pour donner davantage de légitimité aux accords collectifs auxquels la loi donnera plus de marge de manœuvre, il conviendra d'étendre le principe de l'accord majoritaire", affirme le document.
Un "émiettement du droit social"?
Ses annonces étaient attendues de pied ferme par les partenaires sociaux. Divisés sur le sujet, ils ont envoyé leurs propositions et lignes rouges au gouvernement:
- La CFDT, si elle réfute -comme tous les autres syndicats- l'idée que la réforme du code du travail favoriserait la compétitivité française, accueille favorablement la volonté de donner plus de souplesse au dialogue social. Le syndicat de Laurent Berger est en revanche "fermement opposé" à ce que des accords soient soumis à des référendums d'entreprise, car cela contournerait les représentants du personnel.
- La CGT, elle, a fait part de sa franche opposition, mettant en garde contre un "émiettement du droit social" qui "mettrait en péril le principe de l'égalité des salariés devant la loi". Elle voit dans la réforme du code du travail un "nouveau cadeau au Medef".
Côté patronal, le Medef, très partisan d'une réforme, critique un Code du travail "trop compliqué et improductif", et remis en cause, entre autres, le statut du contrat à durée indéterminée (CDI) et l'impossibilité de déroger aux 35 heures. "Les annonces d'aujourd'hui vont dans le bon sens mais doivent aller plus loin", a déclaré le numéro un du Medef Pierre Gattaz.
La CGPME et les artisans de l'UPA mettent en garde contre le "tout-entreprise", soulignant qu'il ne serait pas adapté à de nombreuses petites sociétés, pas toujours en mesure de négocier des accords.
Pour Manuel Valls, une "révolution"
Le gouvernement a chargé l'ancien ministre de la Justice Robert Badinter de définir, en deux mois, les grands principes du nouveau Code du travail, articulé autour de ses trois piliers. Outre Robert Badinter, la mission comprendra deux magistrats de la Cour de Cassation, deux membres du Conseil d'Etat et deux universitaires. Dans un ouvrage publié au printemps, Robert Badinter proposait de réduire à le code 50 articles. L'ouvrage, coécrit avec le professeur Antoine Lyon-Caen, avait été salué par le patronat.
La droite dénonce pourtant une réforme cosmétique, si ce n'est imaginaire. "Certains parlent de 'réformette', au prétexte que l'on ne reviendrait pas sur les protections fondamentales, sur le salaire minimum, sur les 35 heures, sur le contrat de travail. Mais enfin, réformer, ce n'est pas faire le choix de tout casser, de la régression !", a plaidé Manuel Valls. Pour qui la réforme à venir est une "véritable révolution".