Cinq chiffres qui prouvent que le chômage reste un fléau en France
Invité lundi du "Tour de la question" sur Europe 1, le journaliste Luc Biecq, auteur d'une enquête récente sur le licenciement, est revenu sur plusieurs lieux communs autour du chômage et de la perte de travail.
LE TOUR DE LA QUESTION
Chômage, activité réduite, rupture conventionnelle, licenciement… De nombreuses idées reçues entourent ces concepts, de la sous-estimation du nombre de demandeurs d'emploi à la sur-estimation de celui des emplois actuellement vacants en France. Le journaliste Luc Biecq, auteur du récent Guide d'autodéfense du licencié, de la déflagration à la reconstruction (éditions Robert Laffont), est venu éclairer ces quelques points dans Le Tour de la question sur Europe 1, lundi.
6 millions de chômeurs au total
En France, le chômage est à son niveau le plus bas depuis dix ans, avec un taux de chômage en baisse de 0,1 point au premier trimestre, à 8,7 %, selon les derniers chiffres de l'Insee. Il y aurait ainsi 2,4 millions de personne au chômage. Mais, en réalité, la situation est plus préoccupante.
"Ce chiffre [de 2,4 millions de personnes] correspond à des gens qui cherchent un travail à temps plein et qui sont disponibles tout de suite", explique Luc Biecq. Dans le langage de l'Insee, il s'agit des chômeurs de catégorie A. "Malheureusement, on sait tous que le chiffre est plus élevé que ça, puisqu'on a 6 millions de chômeurs, avec des gens qui sont en activité réduite, et qui souhaiteraient accéder à un emploi à temps plein."
60% des chômeurs seniors le sont depuis plus d'un an
"Cette baisse au premier trimestre ne concerne pas le chômage des plus de 50 ans, qui reste particulièrement élevé en France", affirme Luc Biecq. À cet âge-là, il est très difficile de retrouver un emploi, avec des jeunes générations souvent plus diplômées. "Il y a des domaines professionnels où les employeurs ne souhaitent absolument pas engager des gens de plus de 50 ans", appuie-t-il.
"On a l'impression qu'au-delà de 50 ans, on est plus capable de travailler !", témoigne Gérard, 67 ans, consultant en ressources humaines à Rueil-Malmaison.
Les seniors sont aussi plus concernés par le chômage de longue durée : 60,2% des personnes de plus de 55 ans étaient au chômage depuis plus d'un an en 2018, alors que ce chiffre n'était "que" de 41,8% pour l'ensemble des chômeurs de 15 à 64 ans.
Les ruptures conventionnelles ne concernent que 6% des inscrits à Pôle emplois
La rupture conventionnelle s'est-elle imposée dans le monde de l'entreprise, dix ans après sa mise en place ? Ce dispositif permet aux salariés en CDI de quitter une entreprise en bénéficiant d'une indemnisation de l'assurance-chômage. "Il y en a moins qu'on ne le dit : ça représente un peu plus de 6% des inscriptions à Pôle emploi pour 2018", tempère Luc Biecq. "On présente ça comme quelque chose de très courant, mais ça ne l'est pas encore."
150.000 emplois vacants, pour 6 millions de chômeurs
C'est une idée reçue qui a la vie dure, malgré les chiffres : il suffirait de "se bouger" lorsqu'on est au chômage pour trouver un emploi. "Les emplois vacants existent mais sont extrêmement peu nombreux", rectifie Luc Biecq, en se basant sur les travaux d'Anne Eydoux, maîtresse de conférences au Cnam, chercheuse au Centre d'études de l'emploi et du travail (CEET) et membre des Économistes atterrés.
"D'après certaines études, il existe 150.000 emplois vacants en France dans les entreprises de plus de 10 salariés, pour 6 millions de chômeurs. On a un déficit de création d'emplois", résume le journaliste.
86% d'entre-vous trouvent le chômage "traumatisant"
C'est un point non statistique mais qui est souvent tabou : et si être licencié pouvait être un véritable traumatisme ? "Il y a une expression qui revient souvent chez les psychologues, c'est la perte de repères identitaires. Tout ce qui fait l'identité sociale, ce qui constitue nos habitudes disparaissent du jour au lendemain", développent Luc Biecq. "On se retrouve dans un ailleurs après avoir subi quelque chose qui ressemble très fortement à un traumatisme."
Rien d'étonnant à ce qu'Élisabeth Grebaux, maître de conférences en psychologie clinique à Reims, "explique que ça ressemble à un stress post-traumatique. Même si ça ne l'est pas forcément, il y a beaucoup de choses en commun : l'obsession, on revit le moment", raconte le journaliste. "Elle dit que ce n'est pas une dépression, mais quelque chose de beaucoup plus puissant qui exige une prise en charge et un soutien."
Pour 86% des sondés de la page Facebook d'Europe 1, perdre son emploi est ainsi "traumatisant". Il faut donc, insiste Luc Biecq, "favoriser la bienveillance" et encourager la parole quitte à "parfois se bousculer soi-même" pour trouver de l'aide auprès de professionnels ou de groupes de parole après cette épreuve.