Chiffres du chômage: un rapport accable les calculs de Pôle emploi
Une commission d'enquête parlementaire appelle à revoir la méthode de comptage des demandeurs d'emploi. Actuellement, les indicateurs ne sont ni pertinents, ni fiables, estime-t-elle.
Quel gouvernement se risquerait à s'atteler à une refonte des indicateurs du chômage à quelques mois des élections ? Aucun bien sûr. C'est pourquoi les sénateurs Anne Emery-Dumas (de gauche) et Philippe Dallier (de droite), qui viennent de conduire une mission d'enquête portant (entre autres) sur la mesure du chômage en France, appellent à une refonte générale... au début du prochain quinquennat. Ils estiment néanmoins que certaines mesures qu'ils préconisent dans leur rapport présenté ce 11 octobre peuvent être mises en place rapidement.
Il y a actuellement de quoi devenir chèvre, à suivre les chiffres du chômage. Il faut en même temps avoir un oeil sur ceux de Pôle Emploi(que le ministre du Travail s'échine à commenter chaque mois dans un numéro d'équilibriste), et ceux de l'Insee, fournis trimestriellement. Si les premiers sont issus des données des inscriptions à Pôle emploi, les seconds sont réalisés à partir d'une enquête statistique à grande échelle (environ 100 000 personnes sondées). L'indicateur de l'Insee, comme le veut le Bureau international du travail (BIT), considère qu'un chômeur est une personne de plus de quinze ans, qui n'a pas travaillé (même une heure) durant la période de référence, qui est disponible pour travailler dans les quinze jours et qui est en recherche active d'un travail.
"Pas de bidouille"
Quel repère faut-il privilégier? Les sénateurs penchent pour celui de l'Insee. Ils pointent les défauts voire les "bizzareries" de l'indicateur Pôle emploi. "Il n'y a pas de manipulation du politique, précise Philippe Dallier. Les chiffres sont sincères, il n'y a pas de 'bidouille'. Mais il y a des anomalies." Parmi celles-ci, le fait qu'on trouve dans la catégorie C (censée regrouper les personnes ayant exercé une activité réduire de plus de 78 heures par mois et tenues d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi) plus de 450 000 personnes exerçant une activité à temps complet. "Certaines sont même en CDI, explique le parlementaire. Elles ne sont pas indemnisés mais veulent profiter des services de Pôle emploi pour se réorienter".
L'indicateur de Pôle emploi "souffre" aussi des effets des politiques publiques. Ainsi, le nombre de demandeurs d'emploi de plus de 55 ans et plus a crû de 430% entre juillet 2008 et juillet 2016, juste parce que les plus de chômeurs de plus de 58 ans n'ont plus, du jour au lendemain, été dispensé de recherche d'emploi comme auparavant.
La commission d'enquête regrette aussi qu'"une proportion importante des jeunes de moins de vingt-cinq ans et des bénéficiaires du revenu de solidarité active ne (soient) pas inscrits à Pôle emploi".
Vers une enquête Insee mensuelle?
Si revoir totalement le système de comptabilisation des chômeurs n'est pas envisageable à court terme, Pôle emploi devrait au moins pouvoir rapidement enrichir la communication sur ses chiffres, affirment les sénateurs. Le document produit chaque mois par la Dares fournirait ainsi davantage de données, notamment sur le passage d'une catégorie à une autre. "Il serait aussi intéressant de savoir ce que deviennent les personnes entrées en formation, soulève Philippe Dallier. Sont-elles en emploi ? A temps partiel? Nous ne disposons pas de ces informations pourtant disponibles en interne."Globalement, il manquerait des données sur le "halo" du chômage.
Les statistiques de l'Insee, bien qu'elles soient réalisées à partir d'une enquête, "constituent une meilleure mesure du chômage", pensent les représentants de la chambre haute. La photographie des chômeurs faite selon les BIT est davantage conforme à la réalité. Ainsi, le senior de plus de 58 ans, comptabilisé dans les demandeurs d'emploi selon Pôle emploi, admettra lors de l'enquête Insee qu'il n'est pas en recherche active d'emploi...
Les sénateurs recommandent donc que l'indicateur devienne mensuel. Mais l'enquête trimestrielle coûte aujourd'hui 20 millions d'euros. Raccourcir sa périodicité aurait forcément un coût.
source : http://www.lexpress.fr/emploi/chiffres-du-chomage-un-rapport-accable-les-calculs-de-pole-emploi_1839699.html