Allocations chômage en cas de démission : le problème du financement
C’est une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Dans sa volonté de réformer l’assurance chômage, le président de la République s’est engagé à étendre cette dernière aux indépendants, mais aussi aux salariés qui démissionnent. Une extension loin de faire l’unanimité, notamment autour du financement.
C’est la réforme de l’assurance chômage qui risque de cristalliser le plus l’attention. Il est prévu d’étendre le système aux indépendants et aux démissionnaires. « L’objectif, c’est d’ouvrir l’assurance chômage à tous et c’est aussi qu’elle puisse se réformer pour lutter contre la précarité », explique Muriel Pénicaud, ministre du Travail. Car « les contrats précaires », c’est « ce qui coûte le plus cher à l’assurance chômage ».
1. Ce qu’il en est aujourd’hui
Aujourd’hui, le salarié d’une entreprise qui démissionne peut déjà être indemnisé lorsque leur motif de départ est jugé « légitime ». Par exemple, quand le salarié est contraint de déménager pour suivre son conjoint muté. Ou s’il peut témoigner, au bout de quatre mois de chômage, d’une recherche active d’emploi.
Dans les faits, à peine 2 % des 2,7 millions de chômeurs indemnisés le sont après une démission.
2. Les mesures envisagées par Macron
Dans sa volonté d’accroître flexibilité et mobilité professionnelle, Emmanuel Macron veut réduire la crainte que peuvent avoir les salariés de se retrouver sans rien en cas de démission pour travailler ailleurs, voire de créer leur propre activité. Une crainte qui briderait selon le Président l’initiative entrepreneuriale. Les salariés intéressés ne pourraient toutefois ne pas bénéficier d’une telle indemnité plus d’une fois en cinq ans.
3. Quel coût pour une telle mesure ?
La ministre du Travail Muriel Pénicaud qualifie toutefois de « fantaisiste » le chiffre de 14 milliards d’euros circulant dans la presse à ce sujet. Le ministère du travail évoque toutefois un coût de 8 à 14 milliards la première année, puis de 3 à 5 milliards les années suivantes.
Selon l’Institut Montaigne, l’extension aux démissionnaires coûterait en fait à terme 2,7 milliards d’euros annuellement. Durant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait lui chiffré le coût de l’extension de l’assurance-chômage aux démissionnaires, à 1,4 milliard d’euros par an.
La mesure n’est pas chiffrée avec précision, mais pour financer cette mesure, l’exécutif songe à réduire les indemnisations chômage de tous les salariés. Et c’est là que ça grince.
4. Pas sur le dos des démissionnaires
Les syndicats n’ont bien évidemment rien contre l’extension des droits aux indépendants et aux démissionnaires. À l’inverse, ils craignent que cette dernière n’entraîne, pour financer la mesure, une baisse des allocations. Il est « hors de question » que « cela se fasse en pompant les droits des autres chômeurs indemnisés », avertit Laurent Berger, leader de la CFDT.
Président de la CFE-CGC, François Hommeril, craint des « effets d’aubaine » et une facture salée. « Il suffira qu’un matin ou un après-midi quelque chose se passe mal dans son travail pour qu’il démissionne le soir même […] il saura qu’il ne prend pas le risque de se retrouver au chômage non indemnisé », ajoute-t-il. « Et on sait qu’il y a des centaines de milliers de personnes qui sont au bord de cette rupture-là », affirme François Hommeril.
Ce dernier met par ailleurs en garde contre le coût estimé de l’ouverture de ces nouveaux droits.« Les calculs sont particulièrement inquiétants. L’indemnisation des démissionnaires, sur les chiffres actuels de démission, qui sont supérieurs à un million, va générer un surcoût assurantiel estimé au minimum à 8 milliards d’euros, certains disent jusqu’à 14 milliards », lance-t-il.
5. Des patrons inquiets
Pour Jean-Christophe Sciberras, directeur des ressources humaines, cette possibilité pourrait déstabiliser les entreprises. « Quelqu’un qui s’en va, lorsqu’il a du métier, c’est toujours un problème. Il faut trouver quelqu’un, le former, même s’il vient avec de nouvelles idées. »