NPDCP Proch’Emploi une oreille en attendant du boulot
La Région a mené des centaines d’entretiens, après 4 500 appels sur son nouveau numéro vert… Qui doit encore convaincre.
Le circuit court, on trouve ça formidable pour des fruits et légumes. Mais pour du boulot ? Xavier Bertrand y croit aussi. C’est même toute la philosophie de Proch’Emploi, une plateforme téléphonique lancée le 6 janvier dans les locaux de la Région à Amiens par le président alors fraîchement élu. Le candidat, qui promettait de mettre « la région au travail », voulait ce dispositif censé rapprocher chômeurs et jobs.
Alors que la région compte 565 000 chômeurs, 120 000 offres d’emploi seraient non pourvues. « Paradoxe terrible », dixit Xavier Bertrand, ou raisonnement un peu trop simpliste ? Toujours est-il que le président s’est engagé à remettre au boulot 60 000 personnes d’ici fin août. La moitié de ces offres « directement disponibles ». Ambitieux diront ses soutiens, poudre aux yeux objecteront les incrédules, l’objectif ne va pas sans rappeler une (in)certaine « inversion de la courbe du chômage ». « E n fonction », ajoutait le candidat Bertrand, les chômeurs volontaires « se verront proposer une formation, tout de suite, pas dans six mois », via son budget dédié de 260 millions d’euros.
Un mois après, qu’en est-il ? Selon l’exécutif lillois, le numéro vert a reçu plus de 4 500 appels. Une centaine de PME a proposé des postes, sans plus de précision. Des cadres ont été détachés, après un appel aux volontaires passé en interne. Un partenariat a été conclu avec le groupe d’intérim Randstad. « Plusieurs centaines d’entretiens ont eu lieu », sur 30 sites de proximité. Côté délais, Proch’Emploi garantit un rappel sous 15 jours, suivi d’un rendez-vous physique avec un agent sous un mois, avec au bout une proposition de formation, voire une mise en relation avec une entreprise.
« Un entretien de 45 minutes »
Plusieurs chômeurs, parmi les premiers à solliciter le numéro vert, nous ont confirmés (sous anonymat) avoir été reçus dans les temps. Comme cet Axonais, qui cherche dans l’accompagnement social. « J’ai été bien accueilli par une personne, qui estimait toutefois agir en doublon de Pôle Emploi ». Une autre demandeuse, reçue la veille au même endroit, confirmait. « On m’a demandé mon identifiant Pôle Emploi, mes projets professionnels, etc. L’entretien, plus approfondi qu’à Pôle Emploi, a duré 45 minutes ». Directement employables, l’un et l’autre ont surtout vu là l’occasion de refaire circuler leur CV.
À Péronne (Somme), une mère célibataire dit aussi avoir bénéficié « d’une écoute attentive pendant une demi-heure » dans les locaux de la Maison de l’Emploi (MEEF). « Comme je n’ai pas de qualification, ni d’expérience, on m’a orienté vers un Parcours d’orientation métier (POM) de trois mois. Que Pôle Emploi aurait dû me proposer. C’est à moi de prendre contact maintenant. On m’a dit aussi que des offres existent en dehors de Pôle Emploi ».
Du côté de l’opérateur public justement, ça grince. Xavier Bertrand a beau assurer que Proch’Emploi ne s’y substituera pas, on n’a pas oublié ce commentaire lancé par le candidat (LR) sur Pôle Emploi, « trop centralisé et bureaucratique ». Tout l’inverse de Proch’Emploi, érigé en « maillon manquant entre employeurs et demandeurs ». Au-delà « de Pôle Emploi bashing habituel, on s’inquiète surtout pour les chômeurs qui ont appelé Proch’Emploi. Ils ouvrent des dossiers. Mais que vont-ils faire de tous ces gens ? », s’interroge Sophie Berthou, secrétaire régionale du syndicat SNU-FSU. « Nous connaissons leur désespérance. J’ai peur que beaucoup soient déçus ».
« Nous mettrons les moyens. Si seule une des personnes que j’aide retrouvait un emploi, ça vaudrait le coup. Mais je pense qu’il y en aura plus. Et qu’on n’a pas tout tenté en matière d’emploi », a affirmé très tôt Xavier Bertrand, conscient que « ça crée beaucoup d’attente ». Or, à la Région, on se dit incapable de dire combien (et si) des chômeurs ont déjà pu récolter les fruits concrets du circuit court. Trop tôt. Échéance dans six mois.
«Ni informés ni associés»
« Nous ne sommes ni associés, ni informés de Proch’Emploi. Au-delà, nous sommes contre les velléités de régionalisation de Pôle Emploi. Il se trame quelque chose. On se demande si le Nord-Pas-de-Calais – Picardie ne sera pas expérimentatrice. François Hollande annonce 500 000 formations. Qui va les piloter ? La Région ? Pôle Emploi ? On attend des arbitrages pour fin février. En attendant, les agents sont inquiets. Nous sommes spécialistes de l’emploi. Qu’est-ce que la Région va faire de mieux que nous ? Qu’elle finance des formations de remise à niveau initiale par exemple. Nous avons des propositions à lui formuler. Oui à la complémentarité, non à la concurrence ».