Hauts-de-France : la Cour des comptes tacle la politique de l’emploi de Xavier Bertrand

Le président du conseil régional nordiste a fait de l’emploi une des priorités de son mandat. Il a notamment mis en place plusieurs aides à la mobilité des chômeurs. Mais un rapport de la Cour des comptes pointe les limites de cette politique et met en doute son efficacité.

 

A la tête du conseil régional des Hauts-de-France depuis 2015, Xavier Bertrand a fait de l’emploi l’une de ses priorités. Et ce alors que cette thématique se situe à la marge des compétences des régions. Le volontarisme en la matière de l’ex-maire de Saint-Quentin ne peut donc être contesté. Mais l’efficacité de sa politique apparaît plus discutable. C’est du moins ce qui ressort d’un rapport de la Cour des comptes publié le 25 février sur les actions entreprises dans les Hauts-de-France pour aider à la mobilité des chômeurs.

Celle-ci estime en effet qu’entre 1 et 2,5 points de pourcentage de taux de chômage sont imputables aux difficultés des demandeurs d’emploi à répondre à des offres géographiquement éloignées. Son étude choisit de se focaliser sur les Hauts-de-France, comme « illustration des enjeux nationaux ». Elle passe en revue tous les acteurs qui oeuvrent à fluidifier le marché du travail : Pôle emploi, bien sûr, missions locales, intercommunalités, départements et région. Et critique une offre d’aides à la mobilité « foisonnante et disparate » et « à l’accès trop limité ». Si elle n’est pas la seule à être jugée responsable d’un manque général de coordination, la collectivité dirigée par Xavier Bertrand suscite un jugement particulièrement sévère concernant ses résultats propres.

Des effets très limités

« La Région Hauts-de-France tente de compléter les “angles morts” de ces dispositifs, mais son action touche un public assez réduit et se heurte in fine aux mêmes obstacles d’accès aux aides, écrit la Cour des comptes dans sa synthèse. Elle a orienté son action vers les personnes ayant déjà retrouvé un emploi, donc en fin de leur parcours de recherche d’emploi. Toutefois, la Région n’accompagne pas les bénéficiaires dans la durée et ne peut démontrer que ses aides permettent une réinsertion pérenne. » A part dans la première phrase, on peine à distinguer une appréciation positive dans ce commentaire…

Aides régionales à la mobilité solidaire

« Le nombre de personnes ayant eu recours aux aides de la Région apparaît réduit, au regard du public potentiellement bénéficiaire », détaille la Cour un peu plus loin. C’est notamment le cas de son dispositif phare, Proch’Emploi, qui revendique au 30 mars 2020 « 16 540 mises à l’emploi (CDD, CDI, alternance, formation) depuis le lancement du dispositif en 2016 » alors que « 25 270 demandeurs d’emploi et 1 868 entreprises (ont) contacté le numéro vert de Proch’emploi ». Même critique pour l’offre de location de véhicules à 2 euros euros par jour, baptisée En route pour l’emploi, et dont Mediacités a pointé récemment le faible impact : les 459 attributions de véhicules pour 2 776 demandes entre le lancement en 2017 et la fin 2019 correspondent à un taux d’acceptation d’à peine 16 %. Ou pour les aides à l’obtention du permis B : 439 jeunes de 18 à 30 ans en ont bénéficié depuis le début du dispositif. Un chiffre que la Cour compare aux 61 190 demandeurs d’emplois de moins de 25 ans que les Hauts-de-France comptaient au 1er trimestre 2018.

« Certains demandeurs d’emploi éprouvent un sentiment fort d’exclusion des dispositifs d’aide à la mobilité, du fait de critères d’éligibilité en décalage avec les besoins ou trop restrictifs », affirme encore la Cour. Elle cite en exemple l’aide de la Région au transport, d’un montant mensuel de 20 euros, réservée « aux salariés percevant moins que le Smic, contraints d’utiliser leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail, situé à plus de 20 kilomètres de leur domicile ». Et l’aide à la garde d’enfant de 20 euros par mois par enfant. Mais celle-ci est conditionnée au fait que l’enfant ait moins de trois ans et qu’il soit gardé au moins 20 heures par semaine, hors week-end. Pas vraiment compatible avec des horaires atypiques.

Absence d’évaluation des dispositifs

Mais la principale critique est ailleurs. « Les dispositifs d’aide à la mobilité développés par le conseil régional Hauts-de-France n’ont pas encore donné lieu à une évaluation permettant d’apprécier l’efficacité et l’efficience en matière d’insertion professionnelle ou de retour à l’emploi, tance la Cour. Seuls existent quelques indicateurs de suivi ou de réalisation, comme le volume de bénéficiaires entrés dans un dispositif donné ou le coût de celui-ci, sans permettre, à ce jour, d’évaluer si les aides ont permis ou accéléré le retour à l’emploi ou l’entrée en formation des bénéficiaires. »

En l’absence de ces outils d’évaluation, impossible aussi de savoir pourquoi les dispositifs d’aides sont si peu utilisés. La Cour se risque néanmoins à quelques hypothèses qui mériteraient d’être tranchées : « manque d’information, perception d’une complexité administrative, ou encore la perception négative de toute forme d’aide sociale de façon générale » ?

Elle souligne toutefois que bien que « la Région Hauts-de-France communique sur ses dispositifs de façon soutenue sur l’ensemble des médias », l’immense majorité des demandeurs d’emploi – 82,1 % d’entre eux, selon un sondage commandé par les juges financiers – ne connaissent aucune des aides à la mobilité de la Région Hauts-de-France (contre 48,6 % qui connaissent les dispositifs de Pôle emploi). Pas sûr, donc, que le battage médiatique fait récemment autour de l’abaissement à 1 euro par jour de l’offre de location de voiture de la Région, et dont Mediacités a rendu compte, lui permette d’accroître fortement sa notoriété.

Reste que ce dispositif, comme les autres aides à la mobilité de la Région, a le défaut de n’intervenir qu’ « en fin du parcours de recherche d’emploi », regrette donc aussi la Cour. Elles nécessitent « que le demandeur d’emploi ait déjà réussi à trouver un travail ou une formation ». On touche ici à la limite de la volonté de Xavier Bertrand de développer une véritable politique régionale de l’emploi alors que la loi ne donne aux conseils régionaux qu’une compétence de coordination entre les différents acteurs.

Un volontarisme au-delà des compétences d’une région ?

La Cour relève ainsi que le dispositif Proch’Emploi, qui sort clairement de ces limites en assurant un travail de rapprochement des offres et des demandes d’emploi similaire à Pôle Emploi, « contrevient aux disposition du code du travail ». En effet, celui-ci « n’autorise, parmi les collectivités territoriales, que les communes à recevoir des offres d’emploi et à assurer le placement de leurs administrés. »

Ce volontarisme, enfin, a lui-même ses limites. Alors que la Région Hauts-de-France a signé un accord de partenariat avec Pôle emploi depuis 2016 afin notamment d’améliorer « l’articulation des dispositifs d’aide à la mobilité, selon la Cour, la mise en oeuvre de cet axe n’a pas débouché sur des actions concrètes significatives nouvelles par rapport à l’existant ».

Dans sa réponse à la juridiction financière, Xavier Bertrand prend acte de ce besoin d’une « meilleure coordination des acteurs des politiques emploi et formation ». Il en profite pour revendiquer pour les régions un rôle pilote sur ces matières et une compétence économique renforcée. Il observe enfin que sous sa direction, le budget consacré aux aides à la mobilité a fortement augmenté (mais pas uniquement celles destinées aux chômeurs). Les dépenses de Pôle emploi dans les Hauts-de-France pour de telles aides ont, elles, baissé à 5,7 millions d’euros en 2019 contre 7,7 millions en 2016.

Source : https://www.mediacites.fr/decryptage/lille/2021/03/05/hauts-de-france-la-cour-des-comptes-tacle-la-politique-de-lemploi-de-xavier-bertrand/?

 



16/03/2021
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