Contrôle des chômeurs : comment ça marche ailleurs en Europe ?
Alors que de nouvelles règles relatives au contrôle des chômeurs entrent en vigueur en ce début janvier 2019, Le Figaro se penche sur la manière dont fonctionnent certains de nos voisins européens sur cette question.
Le décret qui revoit le barème des sanctions s'appliquant aux chômeurs ne respectant pas leurs obligations vient d'être publié au Journal officiel. Ce décret découle de la loi avenir professionnel votée cet été. Sur ce volet, l'idée est non seulement de rendre les sanctions plus cohérentes mais également d'appliquer le programme présidentiel d'Emmanuel Macron, qui prévoyait un durcissement des règles en vigueur. L'occasion pour Le Figaro de revenir sur ce que font certains de nos voisins européens en la matière.
Chaque pays a sa culture et la façon de contrôler qui va avec:
• Au Royaume-Uni
Outre-Manche, où le taux de chômage est actuellement de 4,2%, c'est en quelque sorte la «tolérance 0». Pour bénéficier d'allocations, les chômeurs britanniques sont en effet soumis à un régime drastique de recherche d'emploi.
Tout d'abord, les chômeurs doivent se rendre au «Jobcentre Plus» (l'équivalent britannique de Pôle emploi) pour passer un entretien: ils signent notamment une déclaration selon laquelle ils cherchent bien un emploi et sont prêts à travailler. Le versement de l'allocation peut cesser si les bénéficiaires ne respectent pas leurs engagements sans «bonne raison». Dans ce «Jobcentre», les chômeurs rencontrent toutes les deux semaines (au moins) un conseiller. Ils doivent se présenter dès qu'ils sont convoqués, au risque de perdre leur allocation. Même un retard de dix minutes à un entretien peut entraîner la suspension des aides.
Durant leur recherche d'emploi, les chômeurs doivent respecter certaines obligations. Parmi elles, on trouve une obligation «phare»: passer 35 heures par semaine sur un site officiel à chercher du travail. Toutes les connexions et les clics sont enregistrés. Les chercheurs d'emploi qui n'atteignent pas ce quota hebdomadaire peuvent voir leurs allocations être supprimées. Enfin, et c'est là un point central, les chômeurs doivent accepter n'importe quel emploi fourni par le «Jobcentre», sous peine là encore de perdre leur allocation.
L'allocation, qui est appelée «allocation de chercheur d'emploi», est véritablement conçue pour décourager les Britanniques de rester inactifs. Elle est limitée à six mois maximum, plafonnée à 73 livres par semaine (soit 400 euros par mois) et n'est pas indexée sur le dernier salaire. L'allocation est également réduite si le conjoint du chômeur travaille. Dernier point, des agents «assermentés» traquent les fraudeurs, qui encourent une amende de 500 à 7.000 euros, en plus de la suspension de leurs droits. Ce régime de sanctions a entraîné le non-versement de 132 millions de livres (environ 150 millions d'euros) d'allocations en 2015, selon un rapport officiel.
• En Allemagne
Outre-Rhin, le contrôle des chômeurs a été renforcé avec les lois Hartz, promulguées entre 2003 et 2005. La troisième loi Hartz, la plus controversée, avait notamment réduit de 32 à 12 le nombre de mois d'indemnités chômage versées.
En Allemagne, les chômeurs signent un «contrat d'insertion» qui détaille leurs obligations (chercher activement du travail, accepter tout emploi «convenable») et entraîne des sanctions s'il n'est pas respecté. Les chômeurs doivent impérativement se présenter aux rendez-vous des agences pour l'emploi («Jobcenter»). En ce qui concerne les sanctions, deux cas de figure existent. Pour les chômeurs de courte durée, un manquement se traduit par l'arrêt du versement des indemnités (pouvant aller jusqu'à 12 semaines), voire la suppression des droits au chômage en cas de récidive. Pour les chômeurs de longue durée, dont l'indemnité est faible, un manquement se traduit par une réduction des versements pendant trois mois.
Autre point: tous les chômeurs ont droit à trois semaines de vacances par an mais ils ne peuvent pas partir sans l'autorisation du conseiller. Le reste du temps, ils doivent pouvoir être joints tous les jours ouvrables. Si un chômeur est malade, il doit le déclarer à son agence et, au-delà de trois jours, fournir un certificat médical.
Le taux de chômage en Allemagne est aujourd'hui à un niveau historiquement bas (3,6%) mais certains observateurs estiment que cette tendance s'est accompagnée d'une hausse de la précarité.
• En Europe du Nord
Au Danemark, pays de la «flexisécurité», un chômeur qui a cotisé à une caisse d'assurance chômage (non obligatoire) peut recevoir pendant deux ans 90% de son salaire calculé sur la base des meilleurs douze mois des deux dernières années, jusqu'à un plafond de 2.500 euros mensuels. Les indemnités ne sont pas dégressives.
En contrepartie, il doit se présenter régulièrement à son agence, participer à des formations, postuler à des offres d'emploi (deux par semaine au minimum) et accepter la première proposition dans un délai de 24 heures. En cas de refus, il est privé de son allocation. L'allocataire doit consulter les offres au moins tous les sept jours et son compte en ligne tous les jours, car il est tenu de répondre à une convocation pour le lendemain. Il s'expose à un simple rappel après deux manquements sur 12 mois. Au troisième, il est radié et ne peut récupérer ses droits qu'après avoir travaillé 300 heures en trois mois.
Si l'allocataire ne se présente pas à une convocation, il perd son indemnité jusqu'à ce qu'il se présente à son agence. Un entretien d'évaluation a lieu après trois, puis six mois d'indemnisation. En cas de doute ou de manquements avérés à ses obligations, le chômeur risque une suppression intégrale des indemnités.
En Suède, un chômeur inscrit à l'agence nationale pour l'emploi et ayant cotisé pendant un an au moins est indemnisé pendant 300 jours (cinq jours par semaine). Il perçoit 80% de son salaire les 200 premiers jours, puis 70%. Sauf situation particulière (garde d'enfant ou d'adulte dépendant par exemple), il a l'obligation d'accepter toute offre avec, dans un premier temps, une limite géographique lui permettant de rentrer tous les soirs à son domicile. Après une période «raisonnable», il doit accepter un emploi ne lui permettant de rentrer chez lui qu'une fois par semaine.
Il est par ailleurs tenu de rédiger en ligne un rapport d'activité chaque mois, faisant état de ses recherches lors du mois précédent. S'il ne le fait pas, il reçoit un avertissement et au bout de cinq, il est radié et ne peut prétendre à l'assurance chômage qu'après avoir retravaillé. En cas de refus d'offre d'emploi, d'absence lors d'une convocation ou à une formation d'aide au retour à l'emploi, trois avertissements suffisent pour être radié, avec suspension des indemnités pendant 45 jours dès le premier avertissement.
• En Europe du Sud
En Italie, dans les faits, il n'existe aucun contrôle. Les chômeurs n'ont même pas besoin de pointer. Mais la durée et le montant de leurs allocations sont nettement inférieurs aux nôtres.
Quant à l'Espagne, jusqu'en 2012 il n'y avait pas vraiment de contrôle pour savoir si un chômeur cherchait effectivement un emploi. Depuis, une réforme est entrée en vigueur et le contrôle des chômeurs a été renforcé: renouvellement tous les trois mois de l'inscription et présentation obligatoire à une convocation de l'agence pour l'emploi. En outre, les chômeurs doivent attester de leur disponibilité pour pouvoir chercher activement un emploi et accepter un placement. S'ils ne remplissent pas ces obligations, il en est déduit qu'ils ne sont pas intéressés par la recherche d'un emploi et sont sanctionnés, voire radiés.
Enfin, au Portugal, tant que le demandeur d'emploi perçoit une indemnité chômage, il est dans l'obligation d'accepter un poste convenable ou de suivre une formation professionnelle correspondant à son profil. Il doit également être en mesure de prouver qu'il recherche activement un emploi et doit se soumettre aux mesures de contrôle des agences pour l'emploi.
Depuis 2016, il n'est toutefois plus tenu de se rendre dans ces centres afin de pointer et prouver qu'il recherche un travail. En cas de non-respect des règles, le chômeur risque de perdre ses indemnités. À partir de l'année prochaine, le gouvernement a décidé d'accroître les contrôles afin de lutter contre la fraude. Il prévoit de croiser les informations des services de la sécurité sociale qui versent les indemnités chômage et celles de l'Institut pour la formation et l'emploi.