Après les promesses de Xavier Bertrand: "Allô, désolé, on n'a pas de boulot"

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En Nord-Pas-de-Calais-Picardie, L'Express s'est glissé dans la peau d'un chômeur pour voir comment le nouveau président mettait en oeuvre "Proch'emploi". Un dispositif régional qui concrétise sa promesse de campagne de lutte contre le chômage.

 

C'était l'un des engagements de campagne de Xavier Bertrand, alors candidat à la présidence de Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Lutter contre le chômage dans une région où il frise les 12%, grâce à un dispositif permettant de rapprocher les demandeurs d'emploi et les entreprises. Comme annoncé en octobre, "Proch'emploi" a donc vu le jour le 5 janvier 2016. Si l'objectif est louable, deux mois après son lancement, le dispositif montre déjà ses limites. 

 

Pourtant, 2016 à peine entamée, Xavier Bertrand avait vu les choses en grand: "Les chômeurs qui appelleront le [numéro vert] seront rappelés dans les 15 jours pour se voir proposer un emploi." Le nouvel homme fort de la région veut être "efficace" pour faire "reculer le chômage". La promesse est forte. Et face à l'inexorable hausse du chômage qui empoisonne la vie de François Hollande, peut-être est-elle justement trop forte. 

 

Pour en avoir le coeur net, L'Express a donc composé le numéro vert le 5 janvier. Après 15 minutes d'attente (gratuites, contrairement au 3949 de Pôle emploi), l'un des 13 conseillers décroche. D'emblée, il prévient que le système est "tout nouveau", "en cours de finalisation". "Je vous dis pas que c'est magique", mais l'objectif est de mettre en relation rapidement les demandeurs d'emploi et les entreprises - ellesseraient 200 à s'être tournées vers le dispositif.  

A l'autre bout du fil, plein d'espoir et des promesses de Xavier Bertrand, nous déchantons un peu. Mais pas question de se décourager. Les présentations faites - nous avons imaginé le profil d'un jeune de 27 ans, bac+2 dans le secteur de la communication, au chômage et indemnisé depuis 6 mois après avoir enchaîné des CDD - l'opérateur pose les questions d'usage. "Vous consultez des offres d'emploi?" "Oui" "Vous envisagez une formation?" "Peut-être" "Vous songez à vous reconvertir?" "Non". Les coordonnées prises, l'opérateur explique que la région "nous recontactera". Ce sera le cas trois semaines plus tard. 

Entre l'appel et l'entretien: un mois et demi d'attente

Le 25 janvier, driiiiing. "Bonjour, c'est la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, on vous recontacte à la suite de votre appel au dispositif Proch'emploi". En trois semaines, nous avions un peu oublié, mais soit, reprenons. "Nous allons vous fixer un rendez-vous pour évaluer avec précisions vos besoins." Naïvement, nous pensions que ça avait été fait lors du premier appel. Nous avions tort.  

"Êtes-vous disponible le 15 février?" "Banco." Nous sommes repartis pour trois semaines d'attente, loin de la promesse initiale du président, pourtant rappelée noir sur blanc sur le site de l'ex-région Picardie: "[...] dans un délai de 15 jours maximum, les demandeurs d'emploi sont recontactés pour un rendez-vous et des propositions de solutions adaptées." 

 

L'engagement de Xavier Bertrand, sur le site de l'ancienne région Picardie.fr

L'engagement de Xavier Bertrand, sur le site de l'ancienne région Picardie.fr

 

 

Le 15 février, direction la Maison de l'emploi d'une petite ville du Nord-Pas-de-Calais. Des structures créées en 2005 par Jean-Louis Borloo, qui travaillent en partenariat avec les régions, mais aussi Pôle emploi, les syndicats ou encore le patronat, pour lutter contre le chômage. Comme l'explique Le Parisien, 29 sites de ce type ont été mobilisés de Beauvais à Dunkerque, pour répondre à l'impératif de proximité. Entre le 5 janvier et le 24 février, 3710 entretiens s'y sont déjà déroulés, faisant ressortir un profil type: celui "d'un homme de 35 ans, qualifié et mobile". A peu de choses près, le profil de notre candidat mystère. 

 

L'entretien durera 45 minutes, particulièrement longues, face à une conseillère pourtant aux petits soins et à l'écoute. Mais d'emblée, après un bref coup d'oeil à notre CV, elle confesse: "Je n'ai pas d'offres à vous proposer." Serions-nous donc venus pour rien? L'idée nous traverse l'esprit, mais la conseillère reprend vite la main et se mue en VRP d'un dispositif qualifié de "nouveau" et "complémentaire" - surtout pas concurrent - de Pôle emploi, avant de se présenter comme une employée "non pas de la région, mais d'une structure financée par celle-ci".  

 

En quoi cela nous permet-il de retrouver un emploi? En peu de chose pour le moment. D'autant que la conseillère nous demande à nouveau de décliner les renseignements administratifs que nous avions fournis lors du premier appel: nom, prénom, âge, adresse, formation, dernier contrat, niveau d'indemnisation. Un début d'entretien digne d'un rendez-vous d'inscription... chez Pôle emploi. 

"Je crois qu'il vous faut une formation"

S'en suit une conversation sur les expériences passées et les lacunes potentielles. Après 10 bonnes minutes d'errements, le visage de notre conseillère s'illumine: "Je crois qu'il vous faut une formation." L'air de rien, notre interlocutrice a recentré son discours sur une compétence de la région (la formation), alors que la compétence "emploi" appartient à l'Etat. Grâce à son annuaire de formations, notre interlocutrice dégaine quelques idées utiles, mais sans jamais évoquer leur coût. Elle en profite ensuite pour faire la promotion du fichier régional des entreprises du Nord-Pas-de-Calais, afin de cibler avec précision des recruteurs potentiels. Un site malheureusement en maintenance ces jours-ci. 

Les cinq dernières minutes de l'entretien seront consacrées à l'analyse du CV. Notre interlocutrice s'étonne du choix des couleurs. "C'est noir, c'est triste. Vous n'aviez rien d'autre? Bon, refaites-le et renvoyez-le moi par mail ce soir. Je l'enverrai ensuite à la région et on vous tient au courant." Voilà, c'est tout. 

Une invitation à... un salon de l'apprentissage

Depuis l'envoi du CV retouché, rien. Pas un coup de fil de la région qui, en revanche, en a profité pour inscrire notre adresse électronique à une liste d'envoi et nous assaille de messages divers et variés.  

Dernier mail reçu: une invitation au "Salon de l'apprentissage et de l'alternance" au Mégacité d'Amiens, les vendredi 4 et samedi 5 mars, à quelque 200 kilomètres de notre lieu de domiciliation fictive. Un salon dont l'objectif est, selon le site du magazine L'Etudiant, de "rencontrer des entreprises et trouver un stage, un contrat d'alternance, ou une formation professionnelle". Un rendez-vous plus axé formation qu'emploi.  

 

La région nous invite à un salon de l'apprentissage... à 200 kilomètres de notre domicile.

La région nous invite à un salon de l'apprentissage... à 200 kilomètres de notre domicile.

 

Entre la promesse, forte, de Xavier Bertrand et le service, gratuit, effectivement offert, il y a donc un décalage difficilement mesurable. La région ne communique pas le nombre ni la nature des contrats signés depuis le début de l'année explique Le Parisienqui les estime à une simple poignée. En attendant, dans le Nord, on a toujours pas de boulot. Mais on a des idées. 

 

Source : http://www.lexpress.fr/emploi/apres-les-promesses-de-xavier-bertrand-allo-desole-on-n-a-pas-de-boulot_1769575.html

 



10/03/2016
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